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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

très commun dans les champs. Il y a aussi de grandes pièces de pois, d’avoine, de seigle d’été en quelques endroits, et d’orge çà et là. Près de chaque ferme on voit un carré planté de choux, de citrouilles et de melons. Les champs ne sont pas toujours ensemencés ; on les laisse en friche tous les deux ans. On ne laboure pas les terres en friche durant l’été, de sorte que les herbes sauvages y croissent en toute liberté, et les bestiaux les broutent pendant toute la saison. Les habitations dans la campagne sont bâties indistinctement en pierre ou en bois. Il n’entre pas de briques dans la construction des maisons en pierre ; on n’en fait pas encore assez pour cela ici. On emploie les matériaux que l’on trouve dans le voisinage, l’ardoise noire surtout. À défaut de cette espèce de schiste, on construit les maisons avec des moellons ou de la pierre à sablon, et quelques fois avec une pierre grisâtre. Les murs ont deux pieds d’épaisseur, rarement moins. Les maisons ont rarement plus d’un étage de haut. Chaque chambre a, ou sa cheminée, ou un poêle, ou les deux ensemble. Les poêles ont la forme d’un carré oblong ; quelques-uns sont entièrement en fer et des dimensions qui suivent : longueur deux pieds et demi, hauteur un pied et demi, largeur un pied et demi. Ces poêles en fer viennent tous de la fonderie des Trois-Rivières. D’autres sont en brique ou en pierre, de la grandeur à peu près des poêles en fonte, et recouverts au sommet d’une plaque de fer. Le blé d’hiver de Suède et de seigle d’hiver ont été essayés en Canada, car on ne sème ici que le blé d’été, l’expérience ayant démontré que le blé et le seigle de France semés en automne ne supportent pas l’hiver. Le Dr. Sarrazin s’est procuré de Suède une petite quantité de blé et de seigle de l’espèce dite hiver. Elle fut semée en automne, passa l’hiver sans dommage aucun et rapporta de beau grain, à épis plus petits que le blé du Canada, il est vrai, mais près du double plus pesants, et ce grain donna une plus grande quantité de belle farine que le blé d’été. Je n’ai jamais pu savoir pourquoi l’expérience n’a pas été continuée. On peut, me dit-on, faire ici avec la farine de blé d’été du pain blanc qui vaille celui fait en France avec la farine de blé d’hiver. Je tiens de plusieurs personnages que tout le blé d’été maintenant cultivé ici vient de Suède ou de Norvège, car les Français, à leur arrivée, ont trouvé le froid en Canada trop sévère pour leur blé d’hiver, et leur blé d’été ne venait pas toujours à maturité, à cause du peu de durée de la saison. À la baie Saint-Paul, le blé est l’espèce de grain que l’on sème en plus grande quantité. Le sol est très fertile, et même on récolte quelques fois vingt-quatre ou vingt-six boisseaux pour un ; le rendement ordinaire est de dix ou douze pour un. Le pain est plus blanc ici que nulle part ailleurs en Canada. On sème beaucoup d’avoine, qui réussit encore mieux que le blé. On sème aussi des pois en grande quantité : ils rapportent plus qu’aucune céréale ; il y a des exemples de rendement de pois allant jusqu’à cent pour un. L’habitant de la campagne ne sème et ne cultive de lin qu’autant qu’il lui en faut pour son usage. À la côte de Beaupré on fait du fromage en mains endroits, mais celui de l’île d’Orléans est regardé comme meilleur. Petit, mince, rond de forme et de quatre à la livre de France, il se vend trente sous la douzaine. Une livre de beurre salé coûte dix sous, et la même quantité de beurre frais quinze sous à Québec. Anciennement, on pouvait avoir une livre de beurre pour quatre sous ici.