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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

été abattus le long du fleuve sur une profondeur d’un mille anglais. Les maisons sont bâties en bois ou en pierre, et blanchies à l’extérieur. Les dépendances, telles que granges, étables, etc., sont toutes en bois. Le terrain, dans le voisinage du fleuve, est converti en champs de blé ou en prairies. À six milles[1] français de Montréal, nous passons en vue de plusieurs îles de différentes grandeurs, la plupart habitées ; celles qui ne sont pas habitées sont converties en champs de blé, plus souvent en prairies. Les fermes, en Canada, sont séparées les unes des autres, de manière que chaque propriétaire a son bien entièrement distinct de celui de son voisin. Chaque église, il est vrai, est entourée d’un petit village, mais il est formé principalement du presbytère, d’une école pour les garçons et filles, et des demeures des commerçants, et artisans, rarement d’habitations de fermiers, et quand il y en a, les terres sont séparées. Les maisons des paysans sont généralement bâties sur les bords du fleuve, à une distance plus ou moins grande de l’eau, et à trois ou quatre arpents les unes des autres. Quelques cultivateurs ont des vergers, c’est le petit nombre ; mais chacun a son jardin potager. Les maisons des fermiers sont généralement bâties en pierre ou en bois de charpente et contiennent trois ou quatre chambres. Les fenêtres sont rarement garnies de vitres ; le plus souvent les carreaux de papier remplacent le verre. Un poêle en fonte chauffe toute la maison. Les toits sont couverts en bardeaux. On calfeutre les fentes et les lézardes avec de la terre glaise. Les dépendances sont couvertes en chaume. Le paysage de chaque côté du fleuve est charmant et l’état avancé de la culture des terres ajoute grandement à la beauté de la scène. On dirait un village continu, commençant à Montréal et finissant à Québec. Au-dessous des Trois-Rivières, les champs sont généralement semés de blé, d’avoine, de maïs et de pois. Les citrouilles et les melons se disputent le terrain dans les jardins des fermes. Près de Québec, les terres que nous parcourons sont partout divisées en champs et en prairies ou pâturages. Nous ne voyons que fermes et maisons de fermiers. Toutes les collines sont cultivées ; sur le sommet de plusieurs on distingue des villages pittoresquement groupés autour de belles églises. Les prairies sont généralement dans les vallées, quoiqu’il y en ait sur les côteaux. Les hautes prairies en Canada sont excellentes et de beaucoup préférables à celles des environs de Philadelphie et des autres colonies anglaises. Plus j’avance au nord, plus elles sont belles et plus le gazon en est riche et fourni. L’herbe ici est de deux sortes qui forment le foin des prairies et ce foin est très fourni et serré. Le paturin des prés a une tige assez élevée, mais ses épis sont très minces. Au pied de cette herbe, le sol est couvert de trèfle, de sorte que l’on ne peut trouver de meilleures prairies que celles-là. Toutes ces prairies ont été auparavant des champs de blé ; on ne les fauche qu’une fois l’été, parce que le printemps commence tard. Comme les bestiaux sont parqués dans les pâturages de l’autre côté des bois, et confiés à la garde de vachers en cas de nécessité, beaucoup de colons se dispensent de clôturer leurs terres. Les champs sont très grands ; je n’ai vu de fossés nulle part : ce n’est pourtant pas manque de besoin. Tout le blé est du blé d’été. Le blé blanc est

  1. Kalm, ainsi que plusieurs de ses contemporains, écrivait mille pour lieue et lieue pour mille indifféremment