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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

vrons d’école affectée aux enfants français qu’à Québec, rien aux Trois-Rivières, rien dans les campagnes. Ceux qui ont eu sous les yeux les nombreux titres des seigneuries des jésuites ont pu en conclure que ces religieux faisaient leur principal devoir de l’instruction de la jeunesse, pourtant les résultats ne paraissent nullement avoir répondu à ces actes de générosité de Louis XIV et des compagnies marchandes. Frontenac se plaignait (1675) de l’apathie des jésuites qui, non-seulement n’instruisaient pas les jeunes sauvages mais même les enfants français ; le ministre lui répondit que peut-être en leur donnant l’exemple, on les ferait agir par émulation, ce à quoi le gouverneur répliqua qu’ils (les jésuites) ne voulaient s’occuper que des missions lointaines. La Hontan, qui ne se montre pas hostile aux jésuites comme on le prétend, disait en 1684 : « Je ne crois pas que les jésuites aient jamais eu cinquante écoliers. »

Le recensement de 1681 n’indique pas de maître d’école dans le pays, ce qui est remarquable. La sœur Raisin, qui appartenait à la Congrégation de Notre-Dame, est inscrite comme demeurant à Champlain où il y avait une école depuis cinq ou six années. Chez la sœur Bourgeois, à Montréal, il y a sept élèves pensionnaires. Les ursulines de Québec ont dix-sept pensionnaires de race blanche, neuf sauvagesses et une métisse. En 1685, parlant de sa visite à Saint-Joachim, Mgr de Saint-Valier raconte qu’il a examiné, « l’un après l’autre, trente-un enfants que deux ecclésiastiques du séminaire de Québec y élevaient, et dont il y en avait dix-neuf qu’on appliquait à l’étude, et le reste à des métiers ; l’éloignement où ils étaient de leurs parents et de toute compagnie dangereuse à leur âge, ne contribuait pas peu à les conserver dans l’innocence ; et si on avait des fonds pour soutenir ce petit séminaire on en tirerait, avec le temps, un bon nombre de saints prêtres et d’habiles artisans. » Le père Le Clercq disait : « Les Canadiens sont pleins de feu et d’esprit, de capacité et d’inclination pour les arts, quoiqu’on se pique peu de leur inspirer l’application aux lettres, à moins qu’on ne les destine à l’Église. » En 1686, Mgr de Saint-Valier mentionne l’incendie qui avait dévoré, trois années auparavant, la résidence des sœurs de la Congrégation, à Montréal, et il ajoute : « Outre les petites écoles qu’elles tiennent chez elles pour les jeunes filles de Montréal, et outre les pensionnaires françaises et sauvages qu’elles élèvent dans une grande piété, elles ont établi une maison qu’on appelle la Providence, dont elles ont la conduite et où elles instruisent plus de vingt grandes filles, qu’elles forment à tous les ouvrages de leur sexe pour les mettre en état de gagner leur vie dans le service. De cette maison sont sorties plusieurs maîtresses d’école, qui se sont répandues en divers lieux de la colonie, où elles font des cathéchismes aux enfants, et des conférences très touchantes et très utiles aux autres personnes de leur sexe qui sont plus avancées en âge. Il y a, surtout dans la mission de la Montagne, une école d’environ quarante filles sauvages, qu’on habille et qu’on élève à la française, en leur apprenant en même temps les mystères de la foi, le travail des mains, le chant et les prières de l’Église, non-seulement en leur langue, mais encore dans la nôtre, pour les faire, peu à peu, à notre air et à nos manières. » Il continue en disant que les prêtres de Saint-Sulpice instruisent les hommes de la mission de la Montagne dans les métiers et surtout la culture des champs.