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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

en vue de l’avenir qu’elle entreprenait cette belle œuvre ; sage mesure, car dit M. Faillon : « Au lieu que pendant les quinze premières années (1642-1657) il n’y avait eu à Villemarie que vingt-six mariages, dans les quinze suivantes on en compta plus de cent cinquante. » Dans cette seconde période il naquit plus de six cents enfants à Montréal. À son retour (1659), la sœur Bourgeois ouvrit un pensionnat, au grand contentement des citoyens les plus aisés, nous dit M. Faillon, et c’est là que furent formées, dès l’âge le plus tendre, la plupart des personnes de condition de Villemarie et des paroisses avoisinantes. M. Dollier de Casson parle dans les termes les plus élogieux des classes de la sœur Bourgeois. Dans ces premiers temps, la sœur donnait l’instruction aux enfants des deux sexes, lorsque la population devint plus considérable, elle se borna à l’éducation et à l’instruction des filles, étendant son zèle à tous les rangs de la société. Vers 1668, on conçut le projet d’établir à Villemarie une succursale des ursulines de Québec ; en attendant, Mgr de Laval accorda (1670) à la sœur Bourgeois la permission d’instruire les enfants dans toute l’étendue du diocèse. Les ursulines demandèrent à être seules à Montréal ; la Congrégation prenant chaque jour des forces nouvelles finit par rester maîtresse du terrain.

Mgr de Laval, actif et désireux de fonder un état de choses qui put tourner à l’honneur de la religion et de la France, secondait les vues des pères de familles qui lui demandaient des institutrices pour leurs filles. En 1661, il envoya aux Trois-Rivières des maîtresses d’école, avec l’espoir que plus tard les ursulines pourraient se fixer dans cette petite ville. La sœur Marie Raisin, arrivée de France avec la sœur Bourgeois (1659), dirigea ces classes ; nous la retrouvons dans le même emploi au recensement de 1666 (voir notre tome V, page 63, colonne 3). À la Pointe-aux-Trembles de Montréal, à Lachine et même jusqu’à la baie Saint-Paul au-dessous de Québec, les sœurs de la Congrégation allaient instruire les jeunes filles dès 1661. Les ursulines étant des religieuses cloîtrées, ne pouvaient se mettre à la tête de ce genre de missions qui obligeaient les maîtresses d’école à résider chez l’habitant.

« Le 15 novembre 1659, dit le Journal des Jésuites, fut arrêté qu’on nourrirait gratis un enfant au séminaire et chacun pas plus d’un an, pour pouvoir étendre la charité sur plusieurs, et fut nommé Joseph Dubuisson[1] tout le premier pour jusqu’à la Toussaint de 1660. Et le nombre de ceux qui sont nourris aux dépends de la paroisse fut augmenté de deux et ainsi ils étaient quatre : Saint-Martin,[2] Morin,[3] Amador[4] et Véron[5] ou Poupau. »

M. Pierre Boucher écrivait en 1663 : « Il y a, à Québec, un collège de jésuites, un monastère d’ursulines[6] qui instruisent toutes les petites filles, ce qui fait beaucoup de bien au pays ; aussi bien que le collège des jésuites pour l’instruction de toute la jeunesse de ce pays naissant. »

  1. Né 11 septembre 1609, fils de Jean Guyon-Dubuisson et d’Élizabeth Couillard. Il laissa une nombreuse descendance.
  2. Probablement Charles-Amador Martin, né le 7 mars 1648, et qui fut le second prêtre canadien.
  3. Ce doit être Germain Morin, né le 15 janvier 1642, et qui fut le premier prêtre canadien…
  4. Est-ce Amador, fils de Jean Godefroy, né aux Trois-Rivières le 18 juillet 1649 ?
  5. Étienne Véron, né aux Trois-Rivières le 31 octobre 1649. Il devint notaire.
  6. Voir le présent ouvrage III, 69.