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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

irrévocablement d’un commerce dont ils commencent déjà à jouir au détriment des Français. La Vérendrye avait prévu le cas vingt ans auparavant. Le 19 septembre, même année 1747, M. de Beauharnois fut remplacé par M. de la Galissonnière. Le 10 novembre, on apprit à Québec, par une lettre datée de Michillimakinac, le 22 octobre, que les ordres envoyés cet été par le moyen du sieur de la Vérendrye avaient été mal exécutés relativement aux nations qui s’étaient soulevées. Le nouveau gouverneur-général pensa qu’il valait mieux supprimer les postes du nord et de l’ouest afin de forcer les Sauvages de porter leurs pelleteries à Michillimakinac, mais ce projet n’eut pas de suite, parce que, selon les apparences, les Sauvages ne s’y fussent pas conformés.

Le 23 octobre 1747, M. de la Vérendrye, jeune, est envoyé de Michillimakinac à la tête d’un convoi. Le 16 janvier 1748, le même va en guerre avec des Christinaux, des Outaouais et des Canadiens contre les Anglais et les Iroquois.

Une réaction dans les esprits commençait à s’opérer en faveur du vétéran qui rongeait son frein à Québec et dont l’ardeur, en dépit des infirmités, ne se démentait point. Il brûlait du désir de reprendre son dur mais utile et glorieux service. Tandis qu’il attendait ainsi le jour de la rétribution, ses fils ne demeuraient point inactifs. Nous avons vu le chevalier de la Vérendrye repartir pour l’ouest dans l’été de 1747. Laissant à M. de Noyelles et aux nouveaux chefs nommés par le gouvernement les postes qu’il avait établis et pour lesquels on ne lui accordait absolument rien ; il se dirigea au nord-ouest de Winnipeg où les Français n’avaient pas encore pénétré. Lui et ses frères étaient destinés à découvrir toute la région du nord-ouest « contre vents et marée. » Du moment où on leur enlevait le droit de commander dans les pays qu’ils avaient fait connaître, ils se rejettaient dans les territoires inconnus et préparaient les voies à de nouveaux favoris du pouvoir. En 1748 ils fondent le fort Bourbon, à l’embouchure de la rivière des Biches qui tombe dans le lac Winnipeg (côté ouest), appelé grand lac Bourbon, et le fort Dauphin à l’endroit où le lac des Prairies (Manitoba) reçoit une rivière de l’ouest. Bientôt, ils élèvent le fort Poskoyac à la décharge de la Saskatchewan, et de ce point ils remontent jusqu’aux fourches de cette grande artère, où ils construisent le fort de la Corne. Nous verrons leurs successeurs se rendre aux sources mêmes de la Saskatchewan et y placer le fort la Jonquière.

Une carte[1] dressée par M. de la Jemmerays indique les découvertes et les forts depuis le Grand-Portage (rivière des Groseillers) du lac Supérieur jusqu’au lac Winnipeg. Cette partie est coloriée et doit être antérieure à 1736. On y a ajouté au trait, les renseignements obtenus sur la direction du Missouri, l’Assiniboine et la Saskatchewan, dans les treize ou quatorze années qui suivirent, mais il est visible qu’elle ne saurait être rapportée à 1740, tel que le prétend une publication récente.

L’année 1748 ramena enfin la fortune, si longtemps rebelle au brave officier du régiment de Bretagne et à ses enfants. La Vérendrye fut promu capitaine, reçut la croix de

  1. No 96 bibliothèque du parlement, Ottawa.