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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

du Missouri que soixante et quelques années plus tard Clarke crut visiter le premier. En remontant le Missouri, l’explorateur canadien avait devant lui le chemin des Montagnes-Rocheuses, mais les guides sauvages sur lesquels il avait compté, faisant défaut, il retourna près de son père. « En 1738, dit l’historien Parkman, La Vérendrye tenta de parvenir à des montagnes mystérieuses situées, selon les indigènes, au delà des déserts arides du Missouri et de la Saskatchewan. Les mauvaises dispositions des Sauvages y mirent obstacle, mais pas avant qu’il n’eût pénétré très loin dans ces contrées barbares… À cette époque, déjà, la France avait ainsi porté ses pas dans ces tristes solitudes, restées jusqu’à nos jours le domaine du Sauvage qui y chasse le buffle et du trappeur errant. »

Dans la liste des « commandants des pays d’en haut » dressée en 1739, on lit : « De la Ronde à Chag8amigon. De la Valtrie à Alepimigon. De la Vérendrye chez les Sioux. De Verchères à Michillimakinac. » La Vérendrye qui commandait chez les Sioux devait être un fils du Découvreur — ou, puisque le Découvreur lui-même n’est pas nommé ici, ne faut-il pas en conclure que les postes de la mer de l’ouest, comme on les a appelés plus tard, étaient alors confondus avec ceux du pays des Sioux et que cette confusion était encore possible au lendemain du voyage chez les Mandanes ?

Il n’est pas inutile de jeter un coup d’œil vers le nord où étaient situés les comptoirs, anglais. Ce que l’on va lire est emprunté à une série de documents soumis à la chambre des Communes en 1749, mais nous ne rapportons que des faits se rattachant aux années 1738-42. À la baie d’Hudson, les Anglais payaient pour le castor un prix moindre que les Français du lac Supérieur. De Michillimakinac à Niagara, les Anglais donnaient aux Sauvages des prix plus élevés que les Français. Ces avantages attiraient tellement les traiteurs vers Niagara qu’on ne voyait, par année, qu’une douzaine de canots à Michillimakinac. En 1738, Joseph Lafrance raconte qu’il n’y avait dans ce dernier poste que le gouverneur « et deux hommes pour ouvrir et fermer les portes. » Le mémoire de l’année 1736, publié par la société littéraire et historique de Québec, confirme cet état de choses. Au nord, les Français avaient formé un ou deux petits établissements à une cinquantaine de lieues des Anglais. Leurs coureurs de bois s’avançaient dans toutes les directions, achetaient des Sauvages les meilleures pelleteries, surtout les martes et les loutres, et le reste était porté aux Anglais de la baie d’Hudson. On ne voyait pas de Français à la baie, mais fréquemment des Sauvages habillés d’étoffes françaises et parlant français ; ils récitaient leurs prières dans cette langue ; les Sauvages des environs des forts anglais n’étaient pas évangélisés. Ces forts étaient au nombre de quatre, à part deux petits établissements sans importance. Nulle trace de colonisation à la baie. La Compagnie était accusée de ne pas encourager les découvertes, d’empêcher que l’on recherchât les mines, et surtout de ne pas suivre la pratique française en lançant des coureurs de bois qui eussent attiré le trafic de ce côté. Les mousquets vendus par la Compagnie valaient une vingtaine de shellings ; elle exigeait de quinze à vingt-cinq castors ou trois fois autant de martes pour une de ces armes ; les Français mettaient au même prix un castor et une marte. Ce bref aperçu résume assez bien la situation, croyons-nous.