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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Français, comédie en prose, imprimée à Paris ; aussi un petit traité sur l’art dramatique, écrit en 1805, pour une société de jeunes amateurs de Québec. Ses ouvrages en musique sont : plusieurs symphonies à grand orchestre, des quatuors et des duos, nombre d’airs de chanson, ariettes, etc., et des motets, puis de la musique sacrée, composée pour l’église paroissiale de Montréal — on retrouve celle-ci au répertoire de l’orgue de Notre-Dame. Il composait avec une si grande facilité qu’il ne croyait pas à son talent, parce que le vers lui venait à l’esprit tout formé. Ses incorrections doivent être attribuées au trop grand naturel de sa verve. Ne tournant jamais autour des mots, il les plaçait sur le papier et son humeur joviale emportait la pièce. On l’a surnommé, de son temps, « le poète, le père des amours » — n’est-ce pas assez pour faire comprendre que nous lui devons un souvenir national ? Ses productions devraient être réunis en volume.

« Les représentations scéniques, écrit M. Gérin, étaient devenues, paraît-il, fort en vogue à Québec, vers 1791. On voit que le prince Edward, duc de Kent, accompagnés des gouverneurs Clark et Simcoe, assista, le 18 février 1792, à la représentation de la Comtesse d’Escarbagnac et du Médecin malgré lui  ». Jusque là, nous avions été assez indifférents au besoin de produire des œuvres littéraires. Nous ne manquions pas d’hommes instruits, cependant. Mais l’état de sujets entièrement soumis aux volontés d’un pouvoir ombrageux nous imposait en quelque sorte la nécessité de ne faire paraître nos talents que le moins possible. C’eut été offenser les juges, les fonctionnaires, le parti des « pétitionnaires » que de leur montrer que nous possédions plus d’études et de connaissances qu’eux !

Cependant, il y avait dans l’air un vent de littérature. On annonçait la publication du Magasin de Québec, recueil anglais et français. Des brochures se répandaient : « Papiers sur l’Angleterre, » « Lettres de l’évêque de Capse » (Mgr Bailly de Messein) au sujet de l’établissement d’une université ; « L’ancienne et la nouvelle constitution du Canada » ; « La nouvelle constitution de la France » ; puis un poème anglais : Abraham’s Plains.

Le séminaire de Montréal ne manquait jamais, dans ses fêtes annuelles, de faire représenter des pièces et de donner des compositions en vers, dont quelques-unes nous ont été conservées par M. L.-A. Huguet-Latour. En 1776, fut représentée au collège Saint-Raphaël[1] une tragédie en trois actes, intitulée Jonathas et David, dont les rôles étaient ainsi distribués : Ignace-Bourassa Laronde récite le prologue ; Saül, roi d’Israël, Charles-Roch de Saint-Ours ; Jonathas, Louis-Charles Foucher ; David, Mathieu-Guillaume de Lorimier ; L’ombre de Samuel, Pierre Lescuyer ; Doeg, Henry Gastien ; Phinéas, Edme Henry ; Abiathar, Benj. Cherrier (de Chambly) ; bergers : Joseph Ducondu (de la Valtrie), Jean Makaye, Louis-Amable (?), Pierre Mondelet (de Chambly), Ignace Giasson, François Brunet, Louis Laboissière ; gardes : Alexandre Macdonell, (écossais), J.-B. Gadot (Cadot ?) (du Sault Sainte-Marie), Emmanuel Vildrequier (de la Longue-Pointe), Antoine Girouard (de Boucherville),

  1. Transporté, le 1er octobre 1773, de la Longue-Pointe au château Vaudreuil de Montréal, le collège de M. Curatteau avait pris le nom de Saint-Raphaël, et était gouverné par les prêtres du séminaire de Saint-Sulpice.