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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

 

Ah ! si de ma maîtresse
Vous m’obtenez la main,
Je veux, par politesse,
Vous prier du festin.

En amour plein d’expérience,
Je sais l’art de gagner les cœurs ;
Si l’on résiste à mon ardeur
Il faut céder à ma persévérance.

Quand on est franc, honnête et sans malice,
Si l’on n’est pas un peu futé,
Vient un méchant qui, par son artifice,
Surprend bientôt notre bonté.

Et ainsi de suite, durant des années.

Joseph Quesnel, né à Saint-Malo, le 15 novembre 1749, avait terminé ses études à l’âge de dix-neuf ans. Destiné par sa famille à la profession de marin, il s’était embarqué pour Pondichéry et au retour séjourna à Madagascar, à la côte de Guinée et au Sénégal. Repartant presque aussitôt (1773) de sa ville natale, il visita la Guyanne française, les Antilles et le Brésil. En 1779 on lui confia le commandement d’un navire destiné à New-York, chargé de provisions et de munitions de guerre, mais, à la hauteur des bancs de Terreneuve, une frégate anglaise l’enleva et le conduisit captif à Halifax. De là, après quelques jours, il obtint permission de se rendre à Québec, muni d’une lettre de recommandation pour le général Haldimand qui, d’ailleurs, avait connu la famille Quesnel en France. Le gouverneur lui fit accorder des lettres de naturalisation, puis, cédant de nouveau au goût des aventures, il parcourut la vallée du Mississipi. Poète et musicien, il ne voyageait pas sans être accompagné de Molière, Boileau, et de son violon. Revenu en Canada, il se maria, à Montréal, et fixa sa résidence à Boucherville, où il mourut le 3 juillet 1809.

Nous lui devons la principale part du réveil littéraire qui se manifesta parmi nous après la fin des hostilités en Amérique (1783). Au milieu de l’isolement où nous étions, la visite d’un écrivain français, quelque fût sa valeur, était pour nous une bonne fortune. Il apportait des idées nouvelles. Les belles-lettres ont autant d’influence parmi nous que la politique et le commerce chez d’autres nations. Chacun prend son bien où il le trouve. Colas et Colinette qu’il composa en 1788 et qu’il fit jouer à Montréal en 1790, marque le moment où le théâtre et les cercles littéraires occupaient la société polie et instruite du Canada. Entre la guerre américaine, terminée depuis sept ans, et les transes de la révolution française qui allaient survenir, on s’amusait à Québec et à Montréal, on dépensait de l’esprit, on créait une petite littérature du genre provincial, toute intime, toute gaie, sans prétention, mais de vive source. Outre des pièces de vers fugitives, Quesnel a laissé quatre de ses ouvrages de théâtre dont la musique est également de lui : Lucas et Cécile, opéra ; Colas et Colinette, comédie-vaudeville, imprimée, à Québec l’Anglomanie, comédie en vers, non imprimée ; Les Républicains