Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome VII, 1882.djvu/144

Cette page a été validée par deux contributeurs.
129
HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Montréal (1760). Devenu partisan du nouveau pouvoir, il se signala par son zèle en 1775, reprit Saint-Jean sur les Américains, repoussa Schuyler, défendit Chambly quarante-cinq jours contre Montgomery et fut appelé au conseil législatif.

L’Acte de Québec assurait aux catholiques le libre exercice de leur religion et les dispensait du serment du test ; les lois civiles françaises étaient rétablies. En présence de ce qui se passait chez nos voisins, l’Angleterre comprenait la nécessité de ne point nous donner sujet de mécontentement. Le parti anglais du Canada n’était ni aussi avisé ni aussi patriotique : il cria bien fort contre la mesure et chercha plus que jamais à nous noircir. Comme pour faire taire d’un coup nos détracteurs, la guerre de l’indépendance américaine éclata. En 1775, le Canada fut envahi et l’armée du Congrès, après avoir passé partout presque sans efforts, alla se retourner les ongles sur les ramparts de Québec. La conduite des milices canadiennes, particulièrement celles de Québec, fut admirable de bravoure et de fidélité. Se rappelant que, quinze et vingt ans auparavant, elles tenaient la campagne et remportaient des victoires contre des ennemis trois, quatre et jusqu’à cinq fois plus nombreux, elles avaient repris le mousquet et se battaient avec la certitude de n’être pas vaincues. Si les miliciens de Québec eussent fléchi en 1775, les destinées du Canada étaient changées. Nous appartiendrions depuis cent ans à la confédération américaine. La même chose s’est répétée en 1812 ; et encore en 1837, lorsque le district de Québec refusa d’entrer dans le mouvement politique de Montréal.

La réparation tardive que sanctionnait l’Acte de Québec ne plut pas à tous les Canadiens. Plusieurs d’entre eux ressentaient vivement les accusations auxquelles leurs compatriotes avaient été en butte, depuis quelques années, dans la chambre des communes. Il en résulta une froideur qui paralysa quelques paroisses. La noblesse, croyant l’heure favorable pour ressaisir aux yeux des Anglais son ancien prestige, invita le peuple à se lever contre l’envahisseur, mais dans le district de Montréal et dans celui des Trois-Rivières elle ne fut pas écoutée. Les sentiments de la population étaient curieusement mêlés. Les uns croyaient que, avec patience et longueur de temps nous obtiendrions tout de l’Angleterre ; les autres avaient sur le cœur les dénis de justice et les humiliations du passé ; ceux-là croyaient à l’émancipation coloniale ; ceux-ci balançaient parce que la France inclinait du côté des Yankees. Enfin, il y avait les monarchistes et les républicains. Quant au commerce anglais, plus fort dans le district de Montréal que partout ailleurs, il aimait à conserver ses relations avec nos voisins. La forme que prit en général le sentiment du peuple canadien fut celui de la neutralité. Les seules milices de Québec se prononcèrent pour les Anglais, mais cela n’implique pas tout le district. Au cours de la guerre, les troupes américaines et les régiments de la Grande-Bretagne ne manifestaient aucune sympathies envers les habitants, ce qui fortifia ces derniers dans la résolution de laisser faire et d’attendre les événements. Le clergé fit son devoir en invitant les paroisses à ne prendre aucune part au mouvement des Yankees, sachant bien que les concessions déjà obtenues de Londres ne seraient pas les dernières si nous n’embarrassions pas le gouvernement par des démarches hostiles, et que sous d’autres