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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Sans parler de Fenimore Cooper, qui a exploité notre histoire de l’Ohio, du Mississipi et de l’Ouest, mais qui s’est bien gardé de faire sentir que tout, absolument tout, y était canadien, et, sans faire trop de reproches à Bancroft, qui a enjambé si lestement les faits qui l’embarrassaient, nous avons sous les yeux quelques hommes de plume renommés, notamment Parkman, qui continuent la même tradition, quoique leurs procédés soient, en apparence, plus généreux. Le temps n’est plus, en effet, où l’on pouvait nous « ignorer, » selon l’expression anglaise. Il faut mettre de l’eau dans son vin ; on en met — avec une pointe de vinaigre. M. Parkman en est arrivé au persifflage, genre de la petite presse. Ses livres, très savants, que l’on nous représente comme écrits dans un esprit de libéralité digne d’éloge, sont huilés de jalousie. Les compliments qu’il nous adresse trempent dans une encre amère, et c’est ce qui lui nuira le plus, car tout se découvre, tout finit par être connu ; et, pour avoir été le plus érudit des écrivains de sa nation, il n’en subira pas moins l’abandon de ceux qui, un jour, ne voudront plus accepter ses réticences. Si M. Parkman osait écrire l’histoire des Puritains avec le ton de sarcasme qu’il a adopté pour parler des fondateurs du Canada, il n’amuserait pas ceux qui, aujourd’hui, se plaisent tant à consulter ses livres ! Et pourtant il y aurait de quoi dire sur les Puritains ! Cet écrivain met au jour des faits de notre histoire qui parlent d’eux-mêmes, dont il essaie constamment de dénaturer l’importance, et que ses successeurs sauront interpréter sans tenir compte de son faux point de vue. Dès que l’on cessera de nous traiter avec « libéralité, » on arrivera au sens véritable des choses. Inutile de se montrer généreux envers nous ; nous ne demandons que la justice. Quand on commence par vouloir agir libéralement, c’est que l’on est préjugé et que l’on n’a pas compris les faits. L’histoire se compose de faits ; étudions-les et ne faisons grâce de rien. Cette condescendance est humiliante, après tout. Dans son livre, The old régime in Canada, M. Parkman emploie plusieurs centaines de fois le mot but. Il constate un fait, puis : «  mais… mais… mais… »

Les deux couronnes ont eu, alternativement, l’honneur de bonnes conceptions et le désavantage de faux calculs extraordinaires. À tout prendre, l’Angleterre a su agir mieux que sa rivale. Le résultat l’a démontré, car tout n’est pas hasard et accident. Il est assez curieux de voir que la France, qui avait si intelligemment commencé ses colonies, les ait perdues par indifférence, tandis que l’Angleterre, qui au début, ne comprenait rien aux entreprises de ce genre, finit par en saisir toute la valeur… et par saisir aussi les possessions françaises.

Quelle fut la conséquence des deux batailles d’Abraham (1759, 1760) ? Le drapeau anglais flotta sur le Saint-Laurent et le Mississipi. Prenons la carte et voyons ce que cela veut dire. Depuis cent ans, toutes ces contrées nous étaient connues, étaient à nous. Les Yankees n’avaient jamais su en tirer parti ; ils arrivèrent juste à point pour recueillir les fruits de nos immenses travaux, grâce à l’énergie et au coup d’œil des hommes d’État anglais.

On s’est mépris sur la valeur des premiers colons de la Nouvelle-Angleterre, parce que, ayant aujourd’hui sous les yeux le spectacle d’un développement industriel et agricole énorme, lequel n’est nullement le fruit de leurs labeurs, mais un résultat produit par les