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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

les recueille aux mois d’août et de septembre. Les fruits les plus communs sont les groseilles, les framboises et les fraises ; les pommes ne sont pas rares et il est difficile d’en trouver de bonnes[1]. Les poires sont presque inconnues, et on ne voit ni pêches ni abricots, peu de cerisiers, mais en revanche une grande quantité de fruits sauvages qui dénotent assez la pauvreté du pays par leur petitesse et leur mauvais goût. »

Un mémoire écrit en 1736 et attribué à l’intendant Hocquart, renferme le passage suivant : « La principale culture du Canada est celle du blé ; le pays en fournit non seulement pour la subsistance de ses habitants, mais encore pour un commerce à l’île Royale et aux îles. Dans les bonnes années, il sort de la colonie quatre-vingt mille minots de blé en farines et biscuits. Il en sortira peu en 1737 : la récolte ayant été très mauvaise l’année dernière. Les terres en Canada ne sont pas toutes de la même bonté et du même rapport ; celles du gouvernement de Québec sont mêlées de terres hautes et de terres basses, et par cette situation les années pluvieuses sont favorables aux premières, et les années sèches le sont aux autres : il n’en est pas de même des terres du gouvernement de Montréal, qui sont planches et unies. « Les printemps secs y sont toujours à craindre pour les biens de la terre. Tous les blés que l’on sème sont des blés de printemps ; il est toujours à souhaiter que les semences puissent être faites dans les premiers jours de mai de chaque année, afin que les blés puissent profiter des pluies de la saison. Quand les hivers sont longs, les semences se font trop tard. Les terres ordinaires rapportent depuis huit jusqu’à douze et quinze pour un ; les terres heureuses rapportent d’avantage. On avait voulu introduire, il y a quelques années, la culture du blé d’automne ; on croit qu’il serait dangereux de l’établir : ce serait exposer la colonie à une famine, parcequ’elle se trouverait sans ressource. Le blé d’automne, à la vérité, est d’une qualité supérieure et d’une meilleure garde que le blé de printemps ; il réussirait pour l’ordinaire, mais dans les essais qui ont été faits, on a reconnu que, quand les neiges sont venues tard, ou qu’après la fonte des neiges il est survenu des gelées, les blés d’automne[2] qui étaient en herbe périssaient : cela arrive même aux herbes des prairies qui sont plus dure, et moins susceptibles du froid. Les autres espèces de grains que l’on cultive sont : l’avoine, pois, peu d’orge, encore moins de seigle : les autres cultures consistent dans celles du lin, du chanvre et du tabac. Il y a peu de vergers. On propose de perfectionner la culture du tabac. Les fermiers-généraux estiment, par les essais qu’ils ont faits des tabacs du Canada qui leur ont été envoyés, qu’ils seront propres pour la consommation en France, si l’on s’attache à suivre les instructions qu’ils ont données pour cette culture. » En véritables enfants de l’Amérique, les Canadiens fumaient, mais plus raffinés que les sauvages, ils ne se contentaient point des produits du Canada — il leur fallait la plante la plus précieuse, aussi voyons-nous que, dès 1676, la compagnie Oudiette prélevait un impôt d’un dixième sur les tabacs importés ; en 1684 le tabac du Brésil se vendait chez nous quarante sous la livre,

  1. Charlevoix dit le contraire, parlant de la province en générale : « À l’exception des pommes, qui sont ici d’une excellente qualité, et des petits fruits d’été, qui ne se gardent point, les fruits de France n’ont point encore réussi en Canada. »
  2. En 1749, Kalm dit que tout le blé du Canada est du blé d’été (semé au printemps) sauf chez quelques cultivateurs de l’île Jésus, qui sèment en automne.