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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Jean : à Vincent de Saint-Castin, le long du fleuve Saint-Jean, joignant Jemsec. 1690, à François Genaples, sieur de Bellefond, notaire à Québec, le lieu appelé les Longues-Vues, près Jemsec ; à Jean Gobin, marchand de Québec, à la rivière Nipisiguit, baie des Chaleurs, voisin de Denys de Fronsac ; à Pierre Le Moyne d’Iberville, près le sieur Gobin, tirant partie au nord-ouest, la rivière Ristigouche comprise.

M. de Villieu était toujours à Beaubassin. On l’accuse d’avoir mené les affaires haut la main et de s’être montré peu colonisateur. Était-ce l’exemple des Damours et des Denys qui l’attirait vers le commerce, ou celui de Saint-Castin vers les aventures ? En tous cas, il avait servi dans le régiment de Carignan et tenait à manier le mousquet autant que la charrue. Sa campagne contre Pemaquid (1694) entreprise par l’ordre de Villebon, attira les regard sur lui. Il brûla soixante fermes, tua plus de cent Anglais et amena vingt-sept prisonniers jusqu’à Montréal, après une marche de deux cent cinquante lieues.

D’Iberville et Denys de Bonaventure avaient reçu instruction de prendre et raser Pemaquid. De bonne heure, au printemps de 1696, ils parurent dans les eaux de l’Acadie, prirent un bâtiment anglais et arrivèrent devant Pemaquid le 14 août. Saint-Castin les y rejoignit avec deux cents sauvages. Villebon leur envoya Villieu et Montigny à la tête de vingt-cinq soldats. Le fort enlevé, d’Iberville gagna la haute mer ; Villieu détruisit les fortifications des Anglais et se retira à Pentagoët, mais une frégate, partie de Boston dans le dessein d’effectuer une échange de prisonniers, trouvant Villieu presque seul l’enleva. On dit que cet officier écrivit de son sang un billet à M. de Frontenac et que par l’intervention de ce dernier, on le relâcha, après une courte mais dure captivité.

Boston s’émut de ces coups rapides et incessants. Le colonel Church parut aux environs de Beaubassin, dans les premiers jours de septembre 1696 avec sept navires. Les colons se réfugièrent dans les bois. Au bout d’une semaine, ayant brûlé l’église, plusieurs maisons et tué des bestiaux, il alla attaquer le gouverneur Villebon à Jemsek[1] sur le fleuve Saint-Jean[2], mais il y perdit du monde (18 octobre) et reprit la mer, où il n’était pas tout à fait en sureté à cause des corsaires qui, bien que peu nombreux, coupaient la route des vaisseaux en destination des colonies anglaises. On cite Robineau, de Nantes, François Guyon, et Baptiste dont le véritable nom était Pierre Maisonnat. Les Aventures du chevalier de Beauchêne, écrites par Le Sage, racontent en détail la vie de ces flibustiers, combattant à leur manière sous le drapeau de leur patrie tant que durait la guerre entre les couronnes.

Cette guerre, commencée en 1689 se termina en 1697 par le traité du Ryswick. L’Acadie, quoique dépourvue de troupes régulières, avait maintenu sa position. Elle restait française. Beaubassin ne prit que deux ans pour se relever de ses ruines.

L’ère nouvelle s’ouvrit par une mauvaise récolte. Il fallut envoyer chercher de la farine à Boston pour nourrir les quelques soldats de la colonie. On fut près de deux ans sans avoir

  1. En 1695, sur ce fleuve, il y avait dix familles, savoir : Jemsec une, Fréneuse sept, Naxouat ou Nashouak, deux ; en tout huit maisons, quarante-neuf âmes.
  2. Neuvillette assistait son frère, ainsi que René d’Amours de Clignancourt, seigneur de Jemsek.