champ de l’avenir. Une partie de la jeunesse canadienne faisait annuellement campagne dans les « pays d’en haut » et amassait quelque argent dans ces voyages, avant que de s’établir sur les bords du Saint-Laurent, dans les terres nouvelles avoisinant les anciennes paroisses. Un grand nombre, par malheur, n’étaient pas aussi rangés et demeuraient dans les bois par pur agrément. La Vérendrye avait été élevé aux Trois-Rivières, le nid d’éclosion des « voyageurs. » Sa jeune imagination avait dû être frappée des récits que ces coureurs de bois rapportaient au foyer après de longs intervalles passés dans les profondeurs mystérieuses de l’ouest, au milieu de ces nations nouvellement découvertes et encore imparfaitement étudiées. Le Jacques Cartier du nord-ouest ne pouvait mieux naître qu’aux Trois-Rivières, et la Providence, voulant faciliter son œuvre, l’envoyait commander un poste perdu dans les solitudes, d’où ses regards devaient plonger bientôt à travers les immenses prairies que son courage allait ouvrir à la civilisation.
« Le sieur de la Vérendrye poursuivait dans une triste obscurité, au fond des terres du lac Supérieur, dit M. Margry, une carrière brillamment commencée sur les champs de bataille de l’Europe. Il y avait dix-sept ans qu’il essayait inutilement, par son zèle et ses services, de conquérir un brevet égal à celui qu’il tenait du maréchal de Villars. Il avait plusieurs fois sollicité de passer en France pour obtenir de la cour la réparation de l’oubli où il vivait, et il se désolait de n’y pouvoir réussir. Mais nos maux sont souvent le passage qu’il nous faut traverser pour arriver à des succès que nous n’eussions jamais pu espérer : M. de la Vérendrye en devait donner une nouvelle preuve. Il avait enfin obtenu un congé pour venir en France, et peut-être y eût-il vu se réaliser ses premières espérances, lorsque, par bonheur, une circonstance l’arrêta pour lui présenter la gloire avec ses douleurs. Il allait, sur les confins du monde où il était relégué, trouver l’occasion d’illustrer son nom par des services rendus au pays, avantage que les gens de cœur estiment au dessus des honneurs de la richesse et du repos. »
Du lieu où il était, au lac Nipigon, le brave officier eut connaissance d’une rivière dont le cours se dirigeait, disait-on, vers le couchant. Il crut qu’elle pouvait conduire à la découverte de la mer de l’ouest. L’axiome anglais : The right man in the right place ne s’est jamais mieux appliqué. C’est au Nipigon que pouvaient le mieux s’obtenir des renseignements sur les pays du nord-ouest, et la Vérendrye brûlait du feu sacré des découvreurs. « L’on supposait alors, écrit Garneau, le continent bien moins large au nord qu’il ne l’est en effet, et que la mer, au lieu de reculer vers l’ouest, se rapprochait de l’est, en s’élevant au pôle. La figure de l’extrémité méridionale de l’Amérique, qui finit en pointe à la terre de Feu, et la longitude de la partie alors connue de ses côtes occidentales, partie qui ne venait guère en deçà du Mexique, pouvaient faire tomber dans cette erreur. » L’abbé de la Tour écrivait, vers 1746, que « l’on a cru s’apercevoir que les Sioux ont l’accent des chinois. En effet, on a quelque raison de penser que le pays immense qu’ils occupent confine à la Tartarie et la Chine. »