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CHAPITRE IX


1690-1725


Les Canadiens dans les colonies anglaises, au Mississipi, sur les grands lacs et au nord-ouest.



S

ur les huit cents coureurs de bois qui, dès 1680, avaient quitté le Bas-Canada et que l’on tentait vainement de rappeler, un grand nombre, la moitié probablement, s’étaient dirigés vers nos voisins les Hollandais et les Anglais, si bien que M. de Callières dans son projet (1688) d’invasion de la Nouvelle-Angleterre met un article spécial concernant les déserteurs français passés dans ces pays. Le mauvais régime suivi alors en Canada était, plus que le goût des aventures, la cause de cet éloignement de la jeunesse. Pour remédier au mal, les autorités s’avisèrent de défendre, sous des peines sévères, tout rapport avec les Anglais ; elles voulurent parquer les Canadiens et les tenir chez eux, à la merci des individus privilégiés dont la moindre préoccupation était certainement l’avenir de la colonie. Les coureurs de bois levaient du castor dans l’ouest, où cet animal abondait. Bientôt les marchands de France signifièrent à leurs correspondants que le marché s’encombrait et c’est alors que nos gens se mirent à vendre aux Anglais. Les premiers édits lancés contre eux eurent pour effet de les empêcher de revenir. D’ailleurs, outre la crainte du châtiment qui les retenait chez nos voisins, ils étaient imbus d’un esprit d’indépendance tel que, même en vieillissant, et quoique les lois à leur sujet se fussent beaucoup adoucies, ils préféraient, pour la plupart, continuer la vie errante qu’ils menaient ou le commerce sédentaire à l’étranger, ou encore les fonctions d’interprètes si faciles pour eux tous.

Dans l’Ohio et la Pennsylvanie, nos traiteurs exerçaient une influence prépondérante sur les sauvages, au grand déplaisir des Anglais qui ne parvenaient ni à apprendre les langues de ces peuples ni à se familiariser avec leurs coutumes. Profitant soit des guerres entre les deux couronnes, soit des luttes qui survenaient entre les tribus indigènes, les