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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Le père Charlevoix,[1] qui visita le Mississipi en 1722, dit que peu de temps auparavant, les Cheroquis avaient tués trente Français commandés par un fils de M. de Ramesay, gouverneur de Montréal, et un fils du baron de Longueuil. Dugué de Boisbrillant était à la tête du fort de Chartres des Illinois. À quatre lieues plus bas, sur le fleuve, il mentionne une grosse bourgade française, presque toute composée de Canadiens, ayant un curé, le père Debeaubois, jésuite. Ils sont à leur aise, ajoute-il. « Un Flamand, domestique des jésuites, leur a appris à semer du froment et il y vient fort bien. Ils ont des bêtes-à-cornes, et des volailles. Les Illinois, de leur côté, travaillent à la terre de leur manière et sont fort laborieux. Ils nourrissent aussi des volailles qu’ils vendent aux Français. » Dans cette région, il nomme les pères jésuites Le Boulanger, de Kereben et Guymonneau. À la rivière des Yasous il dit : « Je trouvai tout en deuil par la mort de M. Bizart qui y commandait. Partout où j’ai rencontré des Français, dans la Louisiane, j’avais entendu faire des éloges infinis de cet officier, né en Canada d’un père Suisse, major de Montréal. On me dit aux Yasous des choses extraordinaires de sa religion, de sa piété, de son zèle dont il a été la victime. Tous le regrettent comme leur père et tout le monde convient que cette colonie a fait en lui une perte irréparable. » Au-dessous des Natchez, les seuls établissements étaient : — celui de Sainte-Reine[2] et celui de madame de Mézières, un peu au dessous de la pointe Coupée ;[3] à Bâton-Rouge, Diron d’Artaguette ; Paris Duvernay auprès du bayou Manhac ; le marquis d’Anconis au-dessous du bayou Lafourche ; le comte d’Artagnan aux Cannes-Brûlées, première habitation où l’on trouve une croix plantée à la vue des voyageurs en descendant des Illinois ; deux mousquetaires, MM. d’Artiguière et de Benac, avec M. Chevalier, neveu du maître de mathématiques des pages du roi, avaient la charge de la plantation. M. de Meuse était établi un peu plus bas. À trois lieues de la Nouvelle-Orléans, aux Tchoupitoulas, il y avait le sieur Dubreuil et les trois frères Chauvin, Canadiens, sur des habitations très prospères. La Nouvelle-Orléans renfermait en tout une centaine de barraques,[4] placées sans beaucoup d’ordre ; un grand magasin bâti de bois ; deux ou trois maisons « qui ne pareraient pas un village de France » ; et la moitié d’un vieux magasin affecté au culte. « Il y a loin de cela aux huit cents belles maisons et aux cinq paroisses dont parlait le Mercure, il y a deux ans… L’idée la plus juste que vous puissiez vous en former est de vous figurer deux cents personnes qu’on a envoyées pour bâtir une ville et qui sont campées au bord d’un grand fleuve, où elles n’ont songé qu’à se mettre à couvert des injures de l’air, en attendant qu’on leur ait dressé un plan et qu’ils aient bâti des maisons. » En 1723, Bienville y transporta le siège du gouvernement. Cette même année, le conseil supérieur se crut obliger d’informer la cour que « l’habitant ne pouvait absolument subsister, si la compagnie

  1. En 1721 il était à Montréal. Au commencement de janvier 1722 il arrivait à la Nouvelle-Orléans, après avoir traversé le pays des Illinois et descendu le Mississipi. Le 24 mars il s’embarqua à Biloxi, fit naufrage sur la côte de Cuba et retourna à Biloxi, d’où il repartit le 30 juin. Le 20 juillet il était en vue de Cuba ; le 1er septembre à Saint-Domingue. De là il repassa en Europe.
  2. Vers le même temps, les sauvages ravagèrent les habitations de Leblanc et du sergent Ritter dans ces endroits.
  3. Coupée par un canal que les Canadiens y avaient fait.
  4. Elles furent presque toutes culbutées, en 1724, par un ouragan.