ans. Les soldats n’ont point fait leurs Pâques, à l’exemple de M. de Bienville, leur commandant, M. de Boisbriant, major, Baillon, aide-major, Châteauguay, premier capitaine, et Sérigny, petit officier, auxquels j’ai déclaré que j’en informerais Votre Grandeur. Ce qui les a fait éclater contre moi, avec l’appui du commissaire Duclos. Il reproche au capitaine la Jonquière d’avoir séduit la plupart des filles vertueuses qui étaient sur le Baron de Lafosse. « C’est peut-être, dit-il, une des raisons pour lesquelles ces filles ne trouvent pas à se marier, à cause que quelques Canadiens, témoins de ce qui s’est passé à leur sujet, en ont mal parlé après leur débarquement. Celles-ci sont logées chez les habitants qui les ont mandées. Il n’y en a que trois de mariées sur les douze. Cela provient de leur misère, car ces filles sont très pauvres, n’ayant ni linge, ni hardes, ni beauté. Je crois qu’il serait à propos de marier quelques-unes de ces filles avec des soldats qui les recherchent, et cela le plus tôt possible. Le libertinage est si outré, qu’il ne paraît ici presque aucun respect pour la religion. Chaque garçon a des sauvagesses ; les soldats comme les autres, sans en excepter les officiers, qui les préfèrent aux filles qui viennent de France. Voici le langage des uns et des autre : « Si on nous ôte nos esclaves, disent les soldats, nous déserterons » ; et les gens libres déclarent qu’ils s’en iront ailleurs, alléguant tous ensemble que le roi ne les désapprouve point, puisque M. le commissaire a acheté une sauvagesse à son arrivée, quoiqu’il ait plusieurs domestiques. Jusqu’à présent, je n’ai puni ni officiers, ni soldats, ni habitants, ni sauvages, malgré les justes sujets que j’en ai eus, par les fautes des uns dans le service et par l’insolence des autres. J’ai seulement fait mettre aux fers un soldat qui vint, à la tête de vingt autres, me demander, d’un ton arrogant, des vivres. Je le renvoyai à M. le commissaire. Il me répliqua qu’il était venu de la part du commissaire, lequel ne voulait lui donner que du maïs ; que cela étant, les soldats prétendaient ne point faire de service. Je fis donc arrêter ce mutin et assembler en même temps messieurs les officiers et M. le commissaire, s’agissant du service du roi. Je leur exposai le fait, et leur fis entendre que dans le Canada, aux postes éloignés, les soldats y faisaient le service, quoiqu’ils fussent seulement nourris de blé d’Inde ou de maïs ; que j’étais informé qu’ils l’avaient fait ici pendant deux ou trois ans avec la même nourriture ; et comme je commençai de demander les avis, M. le commissaire interrompit, et dit que le sien était de faire cesser le service aux troupes jusqu’à ce qu’elles eussent du pain, soutenant son avis par les plus puériles raisons du monde. Tous les autres furent d’avis de faire continuer le service. Je lavai la tête au commissaire… Je ne sais, Monseigneur, si vous trouverez mauvais que j’écrive à M. Crozat qu’il se charge de payer les troupes et de faire les avances pour les fortifications. Cela lui est nécessaire, selon moi, s’il veut faire valoir ce pays ; car enfin, tant qu’il aura des officiers qui lui seront aussi contraires que ceux-ci, étant presque tous parents au deuxième et troisième degré et Canadiens, à la réserve du major, du sieur Richebourg et Blondel, ses agents seront toujours traversés, et des esprits malins se voyant appuyés, pourraient bien réduire ses magasins en cendres… À l’égard des dix-sept ou dix-huit passagers qui sont venus par la frégate La Louisiane, ils sont restés parce que ce sont des gens de métier ou de travail. Il est arrivé aussi deux filles, qui sont deux insignes
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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS