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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

j’ajouterai que celles-ci sont généralement plus belles que les premières. Les manières m’ont semblé quelque peu trop libres dans la société de Québec ; j’ai remarqué à Montréal plus de cette modestie qui va si bien au beau sexe. Les dames de Québec, surtout celles qui ne sont pas sous puissance de maris, mènent une vie passablement oisive et frivole. Une fille de dix-huit ans passe pour bien mal partagée si elle ne compte pas au moins vingt adorateurs. Ces jeunes demoiselles, surtout celles du plus haut rang, se lèvent à sept heures et s’occupent de leur toilette jusqu’à neuf heures, et cela en prenant leur café ; aussitôt leur toilette finie elles se placent près d’une fenêtre qui ouvre sur la rue, tiennent à la main quelque ouvrage à l’aiguille, et cousent un point de temps à autre, sans cesser de regarder au dehors… Les filles de Montréal ne voient pas sans en éprouver un grand dépit, celles de Québec trouver des maris plus tôt qu’elles. Aussi, les chances ne sont pas égales, les jeunes gentilshommes qui viennent de France, chaque année, sont captivés par les dames de Québec et s’y marient ; mais comme ces messieurs vont rarement à Montréal, les jeunes filles de cette dernière ville n’ont pas souvent semblables fortunes. »

À la veille de voir commencer les guerres qui ont fini par enlever le Canada à la France, nous croyons que le lecteur a pu se former, par les récits et les documents dont notre travail abonde, une idée exacte de ce qu’étaient nos ancêtres, tant sous le rapport de la vie publique que des us et coutumes particuliers. Après la conquête, il se fera peu de changements et ceux-ci ne nuiront en rien à la valeur ou au mérite de la race — au contraire.