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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

effet, leur nombre est très petit et qu’ils ne sont point estimés. Les autres, au contraire, sont toujours modestement vêtus. Leurs habits sont des capots croisés sur l’estomac par le moyen d’une ceinture sauvage garnie de plumes (poils) de porc épic ; ils sont uniformes et presque tous de la même couleur… Il ne faut pas s’imaginer parce que je viens de dire, que les Canadiens n’aient point de défauts ; chacun a les siens. On sait aussi que les commencements des nouveaux établissements sont ordinairement beaux, mais si, dans le Canada, les missionnaires connaissent tous leurs paroissiens, s’ils tâchent de les édifier par leur piété…, d’un autre côté, les jeunes libertins que l’on y envoie de Paris, ne leur portent pas trop bon exemple. C’est ce que j’ai vu et ce qui fait qu’on ne comprend pas quelle peut être l’idée de la cour de France, en envoyant de pareils débauchés qui, n’étant pas propres à labourer la terre, sont obligés, pour pouvoir vivre, d’aller dans les côtes, chez les habitants, où, sous prétexte d’être maîtres d’école, ils font plus de mal que de bien. Car si les Canadiens sont un peu malins, ce sont ces beaux précepteurs qui les instruisent, de sorte que comme ils aiment déjà la bonne chère, s’adonnent facilement à l’ivrognerie et à la gourmandise, il y a apparence que se sera chez eux comme partout ailleurs, où la vertu se relâchant peu à peu, dégénère en vice. D’un autre côté, les Canadiens tiennent des Gascons en ce qu’ils sont grands vanteurs de leurs propres actions de leur valeur, etc… Les vivres dans le Canada se vendent presque pour rien. Le blé y croit en abondance, aussi bien que les légumes, et le poisson y est en si grande profusion que ceux qui l’apportent à la ville pour le vendre, en laissent souvent plus de la moitié sur la place du marché, pour les pauvre gens qui le ramassent. »

À la même époque (1730) l’abbé de La Tour disait : « En général, les enfants Canadiens ont de l’esprit, de la mémoire, de la facilité ; ils font des progrès rapides, mais la légèreté de leur caractère, un goût dominant de la liberté, et l’inclination héréditaire et naturelle pour les exercices du corps ne leur permettent pas de s’appliquer avec assez de constance et d’assiduité pour devenir savant ; contants d’une certaine mesure de connaissances, suffisante pour le courant de leurs emplois, et qui, en effet, s’y trouvent communément, on ne voit en aucun genre de science des gens profonds. Il faut même convenir qu’il y a peu de secours, peu de livres, et peu d’émulation. Sans doute, les secours se multiplieront, et il se formera des personnes habiles, à mesure que la colonie se multipliera. » Ailleurs il affirme que les Canadiens réussissent facilement dans les travaux manuels et que les métiers parmi eux sont portés à une grande perfection. Il y a de bons ouvriers en tous genres, ajoute-t-il ; les petits enfants eux-mêmes montrent de l’adresse.

Dans le mémoire attribué à Hocquart (1736) on lit : « Les Canadiens sont naturellement grands, bien faits, d’un tempérament vigoureux. Comme les arts n’y sont point gênés par des maîtrises, et que dans le commencement de l’établissement de la colonie les ouvriers étaient rares, la nécessité les a rendus industrieux de génération en génération : les habitants des campagnes manient tous adroitement la hache ; ils font eux-mêmes la plupart des outils et ustensiles de labourage ; bâtissent leurs maisons, leurs granges, plusieurs sont