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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

pouvaient ne pas aimer cette manière d’entrer dans leur pays, on leur dépêcha le père Hennepin et Lamothe, escortés par sept hommes. Ces ambassadeurs rencontrèrent chez les Tsonnontouans les pères jésuites Rafeik et Garnier, que Lamothe eut le tort de faire éloigner du conseil tenu (1er janvier 1679) avec les chefs iroquois. Il n’en fallait pas plus pour indisposer les sauvages contre le fort Conti. Vers la fin de janvier, La Salle visita son nouveau poste, apprit ce qui se passait du côté des Tsonnontouans, mit sur chantier la quille d’un navire, ordonna divers travaux et reprit le chemin de Frontenac. Pendant ce temps, ses créanciers faisaient vendre tout ce qu’il possédait à Québec. Peu d’hommes, même parmi les découvreurs et les traiteurs de ce siècle fécond en désastres et en coup de fortune, ont éprouvé autant de déboires que La Salle. Ses historiens attribuent ses malheurs aux cabales des factions ; d’autres s’en prennent à son caractère tout d’une pièce : les deux explications nous paraissent bonnes.

Le Griffon (les supports des armes de Frontenac étaient deux griffons) jaugeant quarante-cinq tonneaux, très orné, coûtant quarante mille francs, fut lancé dans la rivière Niagara, au-dessus des chûtes, le printemps de 1679. La Salle étant arrivé au fort Conti le 30 juillet, envoya Tonti en canot d’écorce l’attendre au Détroit, et le 7 août, il franchissait sur son vaisseau la barre du lac Érié. Trente-deux hommes montaient le Griffon, y compris trois récollets. Le 11, La Salle rejoignait Tonty au Détroit ; le 28 ils arrivaient ensemble à Michillimakinac, au grand étonnement des indigènes et des Français. Les persécutions suivaient La Salle à la piste. « L’entreprise, qui devait être soutenue, dit le père Membré, par toutes les personnes bien intentionnées, pour la gloire de Dieu et pour le service du roi, avait produit des dispositions et des effets bien contraires, dont on avait déjà imprimé les sentiments aux Hurons, aux Outaouais de l’île et aux nations voisines, pour leur causer de l’ombrage. » Une partie des hommes envoyés l’année précédente aux Illinois n’avaient pas dépassé Michillimakinac, tant on les y avait effrayé par le récit des dangers d’un pareil voyage. Quelques-uns de ces déserteurs s’étaient rendus au saut Sainte-Marie ; La Salle envoya Tonty pour les arrêter en même temps qu’il mettait aussi la main sur quatre d’entre eux restés à Michillimakinac. Le 2 septembre le Griffon entra dans le lac Dauphin ou Michigan et s’arrêta à la baie Verte. Un certain nombre des hommes envoyés aux Illinois, attendaient La Salle en ce lieu avec quantité de pelleteries. Le 18 septembre, le navire chargé de tout ce qu’on avait pu se procurer par la traite, mit à la voile pour Niagara. On ne sait ce qu’il devint, malgré les recherches faites à son sujet. Dans le même automne, un bâtiment qui apportait de France vingt-deux mille livres à La Salle, se perdit dans le Saint-Laurent.

Avec les hommes qui lui restaient, La Salle se dirigea vers le fond du lac Michigan et construisit (novembre 1679) un fort à l’entrée de la rivière des Miamis où Tonty arriva à son tour, le 20 novembre, venant du saut Sainte-Marie avec les déserteurs. Les pères de la Ribourde et Hennepin avaient partagé toutes les fatigues du pénible et long voyage de La Salle et de ses compagnons. De ce point, La Salle, Tonty, de la Ribourde et Hennepin