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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

entretien, à proportion des terres qui leur seront concédées… Voulons aussi que le dit Cavelier soit et demeure gouverneur pour nous du dit fort de Frontenac, sous les ordres de notre lieutenant-général au pays de la Nouvelle-France… Avons le dit Cavelier anobli et anoblissons. » La découverte du Mississipi n’avait pas rapporté à Jolliet de semblables avantages et ne lui procura jamais de lettres de noblesse.

Monseigneur de Laval, passé en France, l’année 1671, y était encore au printemps de 1675. Le 1er octobre 1674, une bulle de Clément x l’avait nommé évêque de Québec et suffragant immédiat du Saint-Siége. Il prêta serment au roi le 15 avril 1675. Le 19 mai il renouvela l’union de son séminaire avec celui des Missions-Étrangères.

Avant de retourner en Canada, Monseigneur s’occupa de l’acquisition de l’île Jésus, près Montréal. Cette propriété avait porté d’abord le nom de Montmagny et ce gouverneur paraît en avoir pris possession lors de sa visite (1637) en compagnie du père Le Jeune[1]. Elle passa aux jésuites, qui l’appelèrent île Jésus. Au mois de juin 1646, le père Jérôme Lalemant écrit, parlant des lettres de concessions accordées à son ordre : « Pour l’île de Jésus, il n’y a point de grosse en parchemin ; il n’y a qu’un seul extrait de l’assemblée générale, et une prise de possession par M. le gouverneur qui fait mention d’un mandement qu’il en a reçu, en vertu duquel il nous met en cette possession, sans qu’il soit fait mention d’aucune condition. » Il faut croire qu’on n’y opéra aucun défrichement puisque, en 1672, elle fut concédée par le roi à M. Berthelot[2], lequel donna (20 mars 1674) une lieue d’étendue dans l’île aux pères jésuites[3] ; puis, le 24 avril 1675, échangea le reste de ses droits pour l’île d’Orléans, accordant en retour, à Mgr  de Laval, vingt-cinq mille francs, car l’île d’Orléans, habitée partout, valait beaucoup plus que l’île Jésus. Les églises Saint-Pierre, Saint-Jean et Saint-Laurent (parfois Saint-Paul) de l’île d’Orléans, datent de 1675. La division en quatre paroisses ou bourgades, semble dater de cette année. Un rapport de 1676 dit : « L’île est peuplée de plus de mille personnes qui composent quatre grandes paroisses dans lesquelles il y a une église (Saint-Pierre ?) entièrement construite et deux qui seront parfaites et achevées dans le courant de la présente année, et la quatrième l’année prochaine. » M. Berthelot fit ériger l’île (avril 1676) en comté noble sous le nom de Saint-Laurent qu’elle portait dès 1632. Plusieurs années après 1675, Mgr  de Laval donna au séminaire de Québec la côte de Beaupré et l’île Jésus, mais l’île d’Orléans n’a jamais appartenu au séminaire. Ce dernier commença à placer des habitants sur l’île Jésus[4] ; de là vient qu’elle fut peuplée par des colons de Québec.

Le père Le Clercq décrit le Canada tel qu’il lui apparut à son arrivée en 1675 : « L’on jouissait d’une douce paix dans toutes ces vastes régions, durant laquelle les gentilshommes, les officiers des troupes congédiées et quantité d’autres personnes considérables vendirent

  1. Voir Charlevoix : Journal Historique, I, 205. Le présent ouvrage, II, 107-9, 148.
  2. Voir le présent ouvrage, IV, 95.
  3. Édits et Ordonnances, I, 104.
  4. L.-P. Turcotte : Histoire de l’île d’Orléans, 12, 49, 54, 82, 91, 105, 112. Charlevoix : Journal Historique, I, 206. Tenure Seigneuriale, vol. B., 86.