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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Ici commence l’histoire officielle des coureurs de bois. Depuis longtemps déjà des individus isolés se permettaient d’aller en traite au milieu des Sauvages, privant par là la colonie du travail de leurs bras et du secours qu’elle était en droit d’attendre d’eux. Petit à petit, la passion des aventures et l’espoir de faire fortune de cette manière avaient gagné jusqu’aux habitants qui désertaient leurs terres ou les négligeaient de plus en plus. Un arrêt du 5 juin 1673 porta défense à tout Français sous peine de mort, de se tenir dans les bois plus de vingt-quatre heures sans une permission expresse du gouverneur.

Marie-François Perrot, nommé gouverneur de Montréal le 13 juin 1669, et arrivé avec Talon le 18 août 1670, mais placé sous la dépendance du séminaire de Saint-Sulpice, avait obtenu l’année suivante (14 mars 1671) une commission royale que lui apporta sa femme, Marguerite La Guide, nièce de Talon. Voyant qu’il relevait autant du roi que des seigneurs de l’île, où il commandait, il voulut s’émanciper de certaines restrictions concernant la traite ; c’est pourquoi il établit un poste, pour le commerce des pelleteries et celui des boissons, sur l’île Perrot un peu au-dessus de Montréal. Ainsi, rapporte La Hontan, avec deux mille écus d’appointement, il trouva le moyen d’en gagner cinquante mille. En même temps, il s’attribuait le droit d’administrer la justice, ce qui n’était point de son ressort. Les habitants lui dépêchèrent le juge Jean-Baptiste Migeon[1] chargé de leurs plaintes à cet égard ; Perrot emprisonna cet officier. Frontenac parla de sévir ; Perrot se rendit à Québec, y fut retenu un an enfermé au château Saint-Louis, ensuite envoyé en France (automne de 1674) où le roi le mit à la Bastille.

M. Thomas de la Naudière fut nommé (10 février 1674) gouverneur de Montréal ; il avait épousé (1672) Marguerite-Renée, fille de Pierre Denys de la Ronde. Il paraît certain que M. de Maisonneuve a été regardé comme gouverneur de cette place de 1642 à 1671 ; durant ses visites en France M. d’Ailleboust l’avait remplacé en 1652, M. Closse[2] en 1657 et M. Dupuis en 1662 ; au mois de juin 1664, M. Pezard de Latouche avait été nommé à sa place, mais le départ de l’ancien gouverneur n’eut pas lieu avant l’été de 1665 et la commission de M. Pezard fut bientôt considérée comme nulle et contraire aux droits des seigneurs de l’île. Vers l’automne de 1665, M. Zacharie Dupuis remplaça M. Pezard, vu que M. de Maisonneuve avait eu la permission de faire un voyage en France. Pierre de Saint-Paul sieur de Lamothe succéda à M. Dupuis, l’hiver de 1668-69, et à son tour fut remplacé par M. Perrot, « M. de Maisonneuve étant trop âgé pour retourner au Canada.[3] »

La situation commerciale devint embarrassante après la déclaration de la guerre de Hollande (1672) et la compagnie des Indes, qui n’était pas plus aimée qu’il ne le fallait, tomba tout à fait en disgrâce. Le roi la révoqua (décembre 1674), proclama la liberté du commerce et réunit toutes les terres de la Nouvelle-France à la couronne. Les gouvernements-propriétaires ne reparurent plus en Canada ; le gouvernement royal prit leur place.

  1. Voir le présent ouvrage, IV, 59, colonne 3 ; 77, colonne 3. Sa femme, Catherine Gauchet, était cousine de M. Gabriel Souart, curé de Montréal. Leur fils Daniel, né en 1671, porta le nom de sieur de la Gauchetière, qui s’est transmis à l’une des rues de Montréal.
  2. Tué par les Iroquois, avec douze français, le 6 février 1662.
  3. Société Historique de Montréal, — 4e livraison, p. 235.