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CHAPITRE II

1650 — 1675


De quoi vivent les habitants. — L’argent, la traite, l’eau-de-vie. — Commerce avec les Antilles. — Manufactures. — Les coureurs de bois. — Administration de la justice. — Compagnie des Indes dissoute. — Les Iroquois intimidés. — Laprairie. — Frontenac arrive. — Les ordres religieux. — Moralité de la population.



A
lire et prendre à la lettre certains passages des Relations des Jésuites et des écrits de la mère de l’Incarnation, on est porté à croire que le Canada, de 1650[1] à 1663, subsistait de la traite, comme n’ont pas manqué de le dire plusieurs écrivains. La vérité est que le Canada vivait de l’agriculture et que la traite le ruinait. Selon que l’on suit les Relations des Jésuites ou les écrits de la mère de l’Incarnation dans un but ou dans un autre, on est assuré d’y trouver blanc et noir sur ce sujet. Voici pourquoi. Presque toujours les auteurs de ces pièces parlent de leurs communautés comme s’il s’agissait du pays et du pays comme s’il était question de leurs communautés. Ainsi, M. Parkman, appuyé sur une partie de ces textes, n’hésite pas à dire au sujet de cette époque (1650 — 1663) : « Le pays qui, jusque là, s’était soutenu avec le castor, se trouva privé de cette ressource, son seul moyen d’existence, et il s’en allait mourant depuis que la guerre avait commencé. » Notre présent ouvrage[2] renferme assez de preuves qui renversent cette assertion pour que nous n’y revenions pas en détail, mais il est utile de faire remarquer que nous aussi, nous tirons nos renseignements des Relations des Jésuites et des rapports de la mère de l’Incarnation — seulement nous distinguons entre les sens différents qui existent dans ces écrits. La traite appartenait à une compagnie particulière qui pouvait s’en trouver bien ou mal ; cela n’affectait pas trop l’habitant, et le livre de M. Pierre Boucher le montre fort bien. D’un autre côté, les jésuites et les religieuses subsistaient en partie des revenus de la traite, soit directement soit indirectement ; de là leurs plaintes lorsque le commerce n’allait pas. Le colon vivait des produits de sa terre ; s’il se voyait parfois gêné, c’était par le voisinage toujours dangereux des Iroquois.

  1. Pour le commerce avant 1650, voir le présent ouvrage, tomes ii, 46, 62, 67, 131, 135-138 ; iii, 3, 14, 16, 27, 57, 138.
  2. Voir surtout, pour la période en question, tomes iii, 104-110 ; iv, 7, 17-8.