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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

que les autres explorateurs, religieux et laïques, à attirer l’attention du gouvernement vers l’Ohio et le Mississipi. Le 10 octobre 1670, Talon écrivait au roi qu’il serait à propos d’envoyer à la découverte du Mississipi. L’année suivante, il chargea MM. de Saint-Lusson, La Salle et Nicolas Perrot de prendre possession des contrées de l’ouest. La traite que les Anglais commençaient à faire chez les nations des lacs alarmait les Français, déjà en rapport avec ces peuples depuis nombre d’années. L’Angleterre soutenait qu’il ne suffit point de découvrir pour avoir des droits sur un pays, mais qu’il faut y créer des établissements stables. En 1671, sur l’île de Michillimakinac, située au débouché des lacs Huron et Michigan, fut établie l’importante mission de Saint-Ignace, d’où les missionnaires, les traiteurs français et les coureurs de bois se répandirent, durant tant d’années, dans la direction des quatre points cardinaux. Ce poste, admirablement choisi pour la facilité des communications par eau — les seules praticables à cette époque — devint le rendez-vous général des blancs et des sauvages, dans un circuit de territoire grand comme toute l’Europe.

Saint-Lusson et Perrot passèrent l’hiver (1670-71) chez les Amikoués, au bord du lac Huron. Des courriers avertirent les sauvages éloignés de se réunir au Saut Sainte-Marie à une date fixe pour procéder à la cérémonie qui devait mettre leurs contrées sous la protection du drapeau français. La Salle a dû, cet hiver, parcourir plus d’un canton et se renseigner de manière à parler avec quelque connaissance de cause du fameux fleuve dont on cherchait, depuis si longtemps, à retracer le cours. Quoiqu’il en soit, nous le voyons (4 juin 1671) au Saut Sainte-Marie assister avec Saint-Lusson, Jolliet, Perrot et les pères Allouez, Dablon, Druillètes, en présence des envoyés de quatorze nations, à la pose d’une croix supportant les armes de France comme signe de prise de possession de tout le pays des lacs. La Salle était de retour sur le Saint-Laurent, l’automne qui suivit. L’intérêt qui s’attachait à la découverte du grand fleuve de l’ouest ne cessait d’augmenter. Le père Dablon avait résolu (1669) de s’y rendre, « mais, dit Garneau, il en fut empêché par ses travaux évangéliques, quoiqu’il se fût approché bien près de ce fleuve. Il pénétra avec le père Allouez, de 1670 à 1672, jusque chez les Illinois, visitant sur sa route les Maskoutins, les Kikapous et les Outagamis, sur la rivière aux Renards, qui prend sa source du côté du Mississipi et se décharge dans le lac Michigan ». Décidément la route de Jean Nicolet était la meilleure. Sur instructions de M. de Frontenac, le père Marquette et Louis Jolliet partirent de Michillimakinac, au printemps de 1673 et se dirigèrent par la baie Verte, du côté de la rivière Wisconsin. Le 17 juin ils saluaient le Mississipi qu’ils descendirent jusqu’aux Arkansas, rapportant la presque certitude que ce fleuve se décharge, non pas à l’ouest, mais plutôt dans le golfe du Mexique ou même à la Floride. Le père Marquette retourna à Michillimakinac ; Louis Jolliet à Québec.

En 1672, Péré avait constaté l’existence d’une belle mine de cuivre au lac Supérieur ; les sauvages du nord-ouest se rendaient volontiers à la traite de Michillimakinac, ou recevaient des coureurs de bois parmi eux ; le pays des Sioux était connu, bien que non encore exploré. La carte du père Marquette (1673) indique les rives sud et ouest du lac