Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome V, 1882.djvu/33

Cette page a été validée par deux contributeurs.
18
HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

depuis quelques jours, renonça au voyage déclarant qu’il s’en retournait à Montréal. La séparation eut lieu le 1er octobre. Le 8, les missionnaires étaient au lac Érié ; le 16 ils firent leurs préparatifs d’hivernement. S’étant remis en marche le[1] 26 mars (1670) ils passèrent devant le site où s’éleva plus tard le Détroit et le 25 mai arrivèrent au Saut Sainte-Marie, où les pères jésuites « ont bâti un fort joli fort, c’est-à-dire un carré de pieux de cèdre de douze pieds de haut, avec une chapelle et une maison au dedans de ce fort… Le fruit que font ici les pères est plus pour les Français, qui y sont souvent au nombre de vingt ou de vingt-cinq, que pour les Sauvages, car quoiqu’il y ait quelques-uns de baptisés, il n’y en a pourtant pas un qui soit assez bon catholique pour pouvoir assister à l’office divin qui s’y fait pour les Français qui chantent la grande messe et vêpres les fêtes et dimanches. Les pères ont sur ce sujet une pratique qui me semble assez extraordinaire qui est qu’ils baptisent les adultes hors de péril de mort lorsqu’ils ont témoigné quelque bonne volonté pour le christianisme, avant qu’ils soient capables ni de se confesser, ni d’assister à la sainte messe, ou accomplir les autres commandements de l’Église. En sorte que à la Pointe-du-Saint-Esprit, qui est un lieu au fond du lac Supérieur, où les restes des Hurons se sont retirés après l’incendie de leur village, le père qui passa l’hiver avec eux, m’a dit : que quoiqu’il y en eût une grande partie qui avaient été baptisés lorsque les pères avaient été aux Hurons, il n’avait pourtant jamais osé dire la messe devant eux, parce que ces gens regardent cette action comme une jonglerie ou sorcellerie. Je ne vis point de marque particulière du christianisme parmi les Sauvages de ce lieu, ni dans aucun autre pays des Outaouais qu’une femme de la nation des Amikoués qui avait été instruite autrefois dans les habitations françaises, qui étant, à ce qu’elle paraissait, en danger de mort, pria M. Dollier d’avoir pitié d’elle et la fit ressouvenir de ses anciennes instructions et de l’obligation où elle était de se confesser. » Les pères Marquette et Dablon étaient alors au Saut. Le père Allouez s’était rendu (17 février) chez les Pouteouatamis, appelé, dit-il, « pour adoucir quelques jeunes Français qui, étant parmi eux pour le négoce, les menaçaient et les maltraitaient ». Jolliet connaissait cette route de la baie Verte et devait, trois années plus tard, la parcourir en se rendant au Mississipi.

Le 28 mai (1670) M. Dollier et ses compagnons partirent du saut pour retourner à Montréal ou ils arrivèrent le 18 juin. Au commencement de ce dernier mois, Nicolas Perrot descendant du pays des lacs avec des Outaouais, fit rencontre, au-dessous des chutes des Chats (un peu au-dessus de la ville d’Ottawa) de Cavelier de La Salle « qui était à la chasse avec cinq ou six Français et dix ou douze Iroquois ». La Salle avait-il eu le temps (depuis le premier octobre) comme il l’a prétendu plus tard, de découvrir l’Ohio, de descendre cette rivière jusqu’à Louisville et de revenir s’amuser sur l’Ottawa — sans ébruiter la nouvelle de ce grand voyage ? Dès 1670 le nom de Lachine était imposé à sa seigneurie de Saint-Sulpice, en mémoire de son retour précipité — car il avait annoncé qu’il se rendrait à la Chine, ou qu’il en connaîtrait la route. Malgré cet échec, qui paraît incontestable, La Salle contribuait autant

  1. La veille ils avaient pris possession du territoire environnant au nom de la France et de la religion.