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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

grands parleurs et parlent fort vite, contre l’ordinaire de tous les autres de ce continent. Nos voyageurs les appellent pour cette raison les Gascons du Canada. Leur langue est un dialecte algonquin et approche fort de celle des Attikamègues, ce qui joint avec le nom de ces derniers, qui est celui d’un poisson fort commun a l’extrémité septentrionale du lac Huron, peut faire juger qu’ils étaient autrefois habitants des environs du lac Supérieur. Au commencement de l’année 1667, le père Allouez apprit que des Nipissings s’étaient retirés en grand nombre sur le bord du lac Alimipegon (Nipigon) qui est au nord du lac Supérieur dans lequel il se décharge. Il s’y transporta et arriva les premiers jours du mois de juin. Il trouva ces infortunés fugitifs, qui étaient chrétiens pour la plupart, dans le même état où il avait trouvé les Hurons, et, quoiqu’il fût extrêmement fatigué d’un voyage de cinq cents lieues, qu’il avait fait avec deux Sauvages, il mit d’abord la main à l’œuvre et eut la consolation de n’avoir pas travaillé en vain. De là, il reprit la route de Chagouamigon où, ayant formé le dessein d’établir une mission fixe, il se joignit à un grand convoi d’Outaouais qui allaient porter leurs pelleteries à Montréal. De là, il se rendit à Québec, où il arriva au mois d’août de l’année suivante. Il n’y resta que deux jours et en repartit avec le père Louis Nicolas, qu’il avait engagé à venir partager avec lui les travaux de sa pénible mission, un Frère et quatre ouvriers. » Sur neuf cents Outaouais qui, dans cette circonstance descendirent à Montréal, on en vit six cents à Québec ; ils avaient en vue la traite et aussi leur réconciliation avec les Iroquois, car dix-neuf hommes de cette nation venaient d’être tués par des Outaouais et on craignait de voir la guerre devenir générale dans l’ouest. La mère de l’Incarnation, remarque « qu’ils ont apporté à nos marchands une prodigieuse quantité de pelleteries… Les révérends pères ont fait cinq cents lieues de chemin… ils ont trouvé de grandes nations très peuplées… cette nation (les Sioux) est bien au delà des Outaouais… il s’est trouvé que Dieu a tellement disposé leurs cœurs que ce sont les plus affables du monde ». En effet, les Sioux, à cette époque, n’étaient pas les terribles guerriers que nous eûmes à combattre plus tard. Pour le moment, la traite était ouverte avec eux sur un grand pied et l’on se proposait de connaître les Illinois et les peuples éloignés, tant à fin de les convertir que d’étendre le négoce jusque chez eux.

Un élan remarquable se manifesta comme on le voit dans le pays des lacs à partir de 1665. En 1669 fut fondée par les jésuites la résidence de Sainte-Marie du Sault. La même année, Jolliet et Péré partirent de Québec sur l’ordre du gouvernement, à la recherche des mines du lac Supérieur. Le commerce prenait de l’extension. Au Sault Sainte-Marie, écrivait (1670) M. de Galinée, « on a une robe de castor pour une brasse de tabac, tantôt pour un quarteron de poudre, tantôt pour six couteaux, tantôt pour une brasse de petites rassades bleues… C’est pour cela que les Français y vont nonobstant des difficultés épouvantables qui s’y rencontrent ».

Jean Péré, marchand, était à Québec en 1660 et 1662 et aux Trois-Rivières en 1664. Il devait être parent de Pierre Péré Moreau dit La Taupine, célèbre quelques années plus tard parmi les coureurs de bois.