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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

aucune connaissance des premiers qui avaient armé à Londres (l’été de la même année)… Pendant le cours de l’hiver, il vint quelques Sauvages chez M. de Groiseliez, qui lui dirent qu’il y avait un autre établissement d’Anglais à sept lieues dans la rivière Bourbon. Aussitôt, il se disposa à les aller attaquer, mais comme ils étaient fortifiés, il prit ses mesures et choisit un jour qu’ils pourraient être en réjouissance. En effet, il les attaqua le jour des Rois et les surprit dans une telle ivresse qu’il les prit sans qu’ils pussent se défendre, quoiqu’ils fussent quatre-vingts Anglais et qu’ils ne fussent que quatorze. Ainsi M. de Groiseliez resta maître de tout le pays. L’été suivant (1663) lorsqu’il voulut retourner en Canada rendre compte de ses exploits et de sa découverte, il laissa son fils, nommé Chouart[1], avec cinq hommes pour garder le poste qu’il avait conquis, et repassa en Canada avec son beau-frère nommé Ratisson, bien chargé de pelleteries et d’autres marchandises anglaises. Mais quoique, selon les apparences, ils eussent assez bien fait leur devoir pour être bien reçus, on les chagrina cependant beaucoup sur quelque prétendu pillage dont ils n’avaient pas donné connaissance aux armateurs ; ce qui obligea M. de Groiseliez de faire passer son beau-frère Ratisson en France pour se plaindre de l’injustice qu’on leur faisait. Mais il fut encore plus mal reçu qu’en Canada, ce qui le mit dans un tel désespoir qu’il projeta de passer en Angleterre pour y proposer un armement et aller retirer son neveu Chouart qu’il venait de laisser à la baie d’Hudson, ce qu’il fit. Il fournit des mémoires si positifs qu’on lui donna un navire bien armé, avec lequel il alla reprendre le lieu que l’on nommait pour lors Port-Nelson[2]. » Cette volte-face de Radisson peut se rapporter à la fin de 1663 ou au commencement de 1664, toutefois rien ne nous renseigne exactement quant à la date. La mère de l’Incarnation donne à entendre que Chouart s’adressa aux gens de la Nouvelle-Angleterre et n’en fut pas écouté[3].

Le 20 mai 1663, M. d’Avaugour aurait, paraît-il, donné instruction à un fils de Guillaume Couture et à Denis Duquet d’aller par voie de terre, avec cinq hommes, planter les armes de France à la baie, ce qui aurait été exécuté.

Cependant, Chouart était allé en France rejoindre Radisson, afin d’exposer à la cour les avantages de ses découvertes. Si on en juge par un procès qui eut lieu au mois d’avril 1665 et où sa femme comparaît seule de sa famille, Chouart était absent du Canada, et cela ferait supposer qu’il était parti pour la France dès l’automne de 1664. Aux recensements de 1666 et 1667 sa famille est citée[4] aux Trois-Rivières et au cap de la Madeleine[5].

À Paris, nos deux aventuriers, rebutés par les ministres, s’abouchèrent avec l’ambassadeur anglais qui appela sur eux l’attention du prince Rupert. Une compagnie provisoire se forma et le 9 septembre 1668, le Quaiche, guidé par eux, entrait dans la rivière Nemiscau, qui se décharge dans la baie James. Ils construisirent en ce lieu le fort Charles, et y passèrent la mauvaise saison. L’été suivant, à leur retour en Angleterre, la Compagnie de la Baie

  1. Médard Chouart, si c’est lui qui est ici mentionné, ne pouvait être âgé que de douze ans à cette époque.
  2. Relation du détroit et de la baie d’Hudson. Amsterdam, 1710, p. 15.
  3. Il existe trois pièces manuscrites concernant la baie d’Hudson, années 1662-63, indiquées au rapport du ministre de l’Agriculture. Ottawa, 1874, page 197.
  4. Voir le présent ouvrage, IV, 64, 70.
  5. Les historiens sont tous indécis quant à la date des voyages de Chouart et Radisson.