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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

pelleteries en abondance, des renseignements qui incitaient les missionnaires et les marchands à les aller voir dans leur pays[1].

Au mois d’avril 1657 huit Français et vingt canots algonquins partirent pour le pays des Attikamègues[2]. Le 2 mai, Jean Bourdon était parti de Québec dans le but de se rendre à la baie d’Hudson par la mer, mais il ne dépassa point le 55e degré de latitude où il rencontra des glaces qui le découragèrent ; le 11 août il était de retour à Québec. Les Anglais n’avaient encore aucun établissement à la baie. L’année suivante, la Relation indique les divers chemins qui, du Saint-Laurent, conduisent au nord : « L’un est par les Trois-Rivières, tirant au nord-ouest. On va des Trois-Rivières au lac Ouapichiouanon, éloigné d’environ cent cinquante lieues des Trois-Rivières. Les Sauvages, en descendant, font ce chemin en sept jours ». Les Sauvages comptaient quinze lieues par jour en descendant, et sept ou huit lieues en remontant les cours d’eau qui viennent du nord.

L’attention se reporta promptement vers l’ouest. Six canots de traite étaient arrivés aux Trois-Rivières, l’été 1659, montés par des sauvages encore inconnus parmi nous — les Mississagués — gens du sault Sainte-Marie. On raconte qu’ils avaient mis cinq mois à leur voyage, étant passés par la baie Georgienne, la rivière des Français, le lac Nipissingue, les rivières Mataouane et Ottawa, puis à travers les pays des Témiscamingues et des Attikamègues, avec lesquels ils étaient descendus par le Saint-Maurice. Il fut aussitôt question parmi les Français d’envoyer quelqu’un au pays des Outaouaks, situé au delà du Sault Sainte-Marie. De pareils projets pourraient être regardés comme des rêves, vu la situation de la colonie canadienne à cette époque, pourtant ils s’exécutèrent sur le champ. Ils montrent sous un jour pittoresque et grandiose le caractère de notre population. On voulait connaître ce pays des Sioux si renommé ; on voulait savoir ce que c’était que cette mer ou grande rivière qui passait pour ouvrir un chemin vers le Pacifique. Le pays des Sioux se présentait aux imaginations comme la porte de ces contrées fabuleuses où les richesses de l’Ouest devaient s’offrir aux yeux des Européens émerveillés. Rien d’étonnant donc que la perspective de résoudre tout ou partie du problème ait attiré deux hommes aussi ardents aux découvertes que l’étaient Chouart et Radisson ; leurs familles résidaient aux Trois-Rivières, le poste le plus fréquenté des caravanes ; les renseignements ne devaient pas leur manquer. D’ailleurs, eux-mêmes avaient pénétré assez loin dans l’ouest pour être tentés d’y recommencer des courses. Tous deux s’embarquèrent, l’automne de 1659, en compagnie des Sauvages qui retournaient dans ces contrées. Ils hivernèrent près du lac Pépin, sur le Mississipi, au milieu de la nation du Bœuf (les Sioux appelés sédentaires) forte de quatre mille hommes. Ces Sauvages, ainsi que les Assiniboines, leurs voisins, trafiquaient avec les peuples de la baie d’Hudson ; ils entretenaient aussi avec d’autres tribus, situées dans les environs du Mississipi et du Missouri, des rapports dont les Français avaient eu connaissance.

  1. Voir tômes III, 58, IV, 18.
  2. Voir tôme IV, p. 18.