l’Incarnation écrivait à son fils : « Voilà trois nations qui sont venues se rendre sédentaires à Sillery et dont les filles doivent être envoyées dans notre séminaire. Un Montagnais, nouveau chrétien, a fait l’office d’apôtre en sa nation et a ébranlé, avec le révérend père Le Jeune les trois nations dont je vous parle… L’on a découvert un grand nombre de nations du côté du nord qui parlent la langue algonquine ; elles veulent toutes croire en Dieu et en Jésus-Christ, et on les instruit pour les baptiser ». Les Algonquins des Trois-Rivières allaient en traite[1] vers le lac Saint-Thomas (50e de latitude) chez les Attikamègues, lesquels à leur tour trafiquaient avec des peuples situés encore plus loin et dont le pays était si froid que les arbres y étaient rabougris et ne fournissaient pas même l’écorce nécessaire à la confection des canots. Comme les terres entre le Saguenay et le Saint-Maurice sont coupées de rivières qui portent leurs eaux dans ces deux grands tributaires du Saint-Laurent, les peuples de toute la région avaient coutume, dès 1640, de se rendre aux Trois-Rivières ou à Sillery rencontrer les Français. La mère de l’Incarnation écrivait le 10 septembre 1646 : « Ceux qui paraissent les plus zélés pour se faire instruire sont les sauvages du côté du nord, dont la mission est à Tadoussac. Je vous en parlai l’an passé ; et comme les nations de cette côte, qui résident avant dans les terres, entre des montagnes affreuses et des rochers inaccessibles, viennent se rendre chaque année au printemps en ce lieu-là, les pères jésuites sont aussi exacts à s’y trouver pour les instruire l’espace de trois ou quatre mois, que le temps est plus tempéré, car le reste de l’année il y fait un froid non pareil ». La Relation de la même année ajoute : « Un capitaine d’un pays plus haut que les Attikamègues, s’est venu présenter au père (aux Trois-Rivières) avec toute sa famille, pour apprendre de sa bouche ce dont il avait ouï parler dans les grands bois de son pays… Deux canots sont arrivés d’une autre nation dont nous n’avons point encore ouï parler : ce sont des visages nouveaux qui paraissent pour la première fois parmi les Français… Entre ces canots il en est venu quelques-uns d’une nation appelée Kapiminak8etiik, lesquels nous ont assuré que leurs voisins avaient été visités par des sauvages qui jamais n’ont paru dans ces contrées et qui jamais n’avaient vu aucune des marchandises qu’on apporte en ce nouveau monde. Ils disent plusieurs choses de la multitude des hommes de leur nation et de leurs façons de faire : nous en apprendrons des nouvelles avec le temps. » Le mot multitude est de trop, car ces sauvages n’étaient pas nombreux.
La première mission du Saint-Maurice eut lieu en 1651. Le père Jacques Buteux se rendit à la hauteur des terres ou la rivière Matawin prend sa source. L’année suivante, retournant d’une seconde visite chez les Attikamègues, il fut tué par les Iroquois. La guerre effrayait tellement les peuplades timides du nord qu’elles n’osaient plus paraître sur le Saint-Laurent, mais les Français finirent par organiser à leur tour des caravanes qui s’enfonçaient dans ces forêts à la recherche des chasseurs. Tadoussac, à cause de son éloignement du centre de la colonie française, était moins exposé aux coups des Iroquois. La traite du nord s’y concentra vers 1653, et de nouvelles tribus se firent connaître, apportant outre des
- ↑ Relations 1640, p. 34 ; 1641, p. 32-57.