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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

facilement que c’était la mer Pacifique ; aussi donnèrent-ils aux peuples qu’on leur signalait dans ces contrées mais qu’ils n’avaient jamais vus, le nom de Gens-de-Mer qu’on trouve souvent répété dans les récits du temps. En 1656, le père Dequen fait cette remarque : « On nous a mentionné quantité de nations aux environs de la mer du Nord, que quelques-uns ont appelé les Puants, à cause qu’ils ont autrefois habité sur les rives de la mer, qu’ils nomment Ouinipeg, c’est à dire eau puante. Un Français[1] m’a dit autrefois qu’il avait vu trois mille hommes dans une assemblée qui se fit pour traiter de la paix au pays des Gens-de-Mer ». Ces citations montrent que dès 1653 les Français connaissaient que le continent se prolongeait à l’ouest neuf journées de chemin au delà du lac des Gens-de-Mer. Peut-être Nicolet avait-il approché des nations de langue algonquine qui, au dire de la Relation de 1653, habitaient les bords de ce lac ; en tous cas il avait voyagé dans les terres qui sont au delà du lac Michigan et qu’il crut être voisines du Pacifique.

L’été de 1654, une flottille de traite conduite par des Outaouais, venant de quatre cents lieues à l’ouest, descendit par la rivière qui depuis porta leur nom : l’Outaouais. Deux voyageurs français les accompagnèrent au retour et ne revinrent qu’en 1656. Il faut ici, croyons-nous, nommer Chouart et Radisson.

Pierre-Esprit de Radisson était fils de Pierre-Esprit de Radisson, de Paris, et de Madeleine Henault. Cette dernière, devenue veuve, s’était mariée à Sébastien Hayet[2], de là le nom de Hayet-Radisson donné parfois à ses filles du second lit : Marguerite, Françoise et Elizabeth. Toutes trois se marièrent : Marguerite, en 1646, avec Jean Véron de Grandmesnil, habitant des Trois-Rivières ; Françoise (elle était aux Trois-Rivières en 1650) avec Claude Volant, sieur de Saint-Claude ; Elizabeth (1657) avec Claude Jutras dit Lavallée[3]. Il est probable que Pierre-Esprit, leur frère, vint en Canada avec elles avant 1647. Sa carrière, très accidentée, appartient à l’Histoire.

Médard Chouart, sieur des Groseillers, né vers 1625, était fils de Médard Chouart, laboureur, et de Marie Poirier, de Charly, paroisse de Saint-Cyr, près la Ferté-sous-Jouarre, en Brie. Il servit d’abord à Tours dans la famille Savonnière de la Troche, dont une fille (la sœur Saint-Bernard) passa en Canada avec la mère de l’Incarnation (1639). Deux années après Chouart était à Québec. La mère de l’Incarnation fit « grande connaissance avec lui », selon qu’elle s’exprime ; elle le trouva homme d’esprit et sachant se faire valoir. Noël Jérémie[4] dit Lamontagne, qui a bien connu notre aventurier, assure qu’il était « haut et entreprenant ». Chouart entra au service des pères jésuites qui l’envoyèrent dans la région du lac Supérieur. Sa première campagne connue de ce côté est de 1645. Son instinct de découvreur dut s’éveiller immédiatement dans ces courses. La route du lac Supérieur à la baie d’Hudson, qu’il paraît avoir devinée le premier, devait le conduire à des entreprises qui

  1. Ce devait être Nicolet.
  2. En 1680, à la Pointe-aux-Trembles, se maria Jean Hayet dit Saint-Malo, fils de Gilles Hayet et de Jeanne Hérau, de Saint-Malo.
  3. Étude de M. l’abbé H. A. Verreau, Journal de l’Instruction Publique, 1881, p. 24.
  4. Voir tôme IV, 53, 67, du présent ouvrage.