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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

La première mention du lac Érié remonte à 1603, mais on le connaissait à peine en 1640. L’année suivante eut lieu dans une autre direction une découverte importante, qui dut induire les Français à tourner leurs regards vers l’ouest, à la recherche du passage tant convoité qui mène à la Chine — nous voulons parler du lac Supérieur que les pères Raymbault et Jogues aperçurent en remontant le saut Sainte-Marie, au mois de septembre 1641. Ces missionnaires étaient partis de la résidence de Sainte-Marie des Hurons, dans la baie de Penetanguishine (au fond de la baie Georgienne) — le poste le plus avancé des Français — et, sur les rapports des Sauvages, ils s’étaient mis à la recherche des « grandes eaux » ou Gitchigomee qu’ils croyaient être peu éloignées de la mer. Après dix-sept jours de navigation dans leurs canots d’écorce, la barrière naturelle du Saut s’était dressée devant eux. Deux mille Sauvages cabanés en cet endroit leur fournirent des renseignements sur le nouveau lac, les nations qui le fréquentaient, la contrée située à l’ouest et particulièrement au sud-ouest, pays des Nadaouessioux (Sioux) à dix-huit journées du Saut.

Jamais avant ce jour les blancs n’avaient mis les pieds sur les rivages de cette méditerranée. Les opérations de traite des Français ne s’étendaient pas encore si loin. Du pays des Hurons (péninsule comprise entre la baie Georgienne et le lac Simcoe) les échanges avec Québec avaient lieu au moyen de caravanes qui remontaient la rivière des Français, et passaient par le lac Nipissing, la rivière Mataouane et l’Ottawa jusqu’au Saint-Laurent.

En 1645, une paix générale fut consentie aux Trois-Rivières entre toutes les nations et annoncée dans l’ouest jusque chez les peuplades du lac Michigan, visitées autrefois par Nicolet. Les Gens de Mer, autrement dit Puants, étaient ainsi appelés du mot 8inipeg8ich qui signifie la nation de l’eau sale ou puante, et dont on a fait Winipeg, nom qu’il ne faut pas confondre avec celui du lac dans lequel se décharge la rivière Rouge, province de Manitoba aujourd’hui. La baie Verte du lac Michigan était le lieu de la résidence la plus habituelle des Puants.

Parmi les Français employés des Jésuites, qui se rendirent au lac Supérieur, l’automne de 1645, nous voyons Gilles Bacon[1] et Médard Chouart des Groseillers[2]. Ce dernier devait jouer un grand rôle dans les découvertes, à l’ouest, au nord-ouest et à la baie d’Hudson. Après ce voyage (1645-46) Chouart et son camarade retournèrent à Québec apportant des échantillons de mines d’or et de cuivre dont on ne crut pas devoir s’occuper en ce moment. Tous deux[3] repartirent (l’automne 1646) pour le pays des Hurons, ainsi que Pierrot Cochon, Daniel Carteron[4], Jean Le Mercier, Eustache Lambert[5] et un nommé Racine, lesquels avaient déjà fait ce voyage. Les communications qui s’ouvraient avec les peuples lointains occupaient beaucoup les missionnaires. Ceux-ci se proposaient de traverser la mer (le lac) de leur pays,

  1. Voir tômes II, 144, IV, 55.
  2. Voir tôme II, 144.
  3. Le Journal des Jésuites note ce fait à la date du 29 août, mais Chouart changea d’idée puisque, au mois de novembre de la même année, à son contrat de mariage, il est dit : « à présent soldat de la garnison de Québec ».
  4. Voir tôme II, 82, 92.
  5. Voir tômes III, 42, 44, IV, 53, 64.