Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome V, 1882.djvu/157

Cette page a été validée par deux contributeurs.
142
HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Iroquois se répandirent partout dans le gouvernement de Montréal. Saint-Ours et Contrecœur furent incendiés. Le sieur de Bourchemin qui commandait au fort de Contrecœur, n’avait avec lui que sept soldats et sept habitants ; l’ennemi enleva presque sous ses yeux des filles et des garçons qui gardaient les troupeaux. Les patrouilles ne parvenaient presque jamais à rencontrer les maraudeurs qui s’esquivaient dans les bois ou volaient sur l’eau avec leurs légers canots d’écorce. Dans un combat qui eut lieu à Repentigny le 7 juin périrent François Le Moyne de Bienville, Charles Barbier, Gilles Chauvin, Claude Ducharme, habitants, et Laurent Chartier et Goulétrez, soldats. Le mémoire de M. de Catalogne, témoin oculaire, porte : « L’été de 1691, on ne pouvait ensemencer les terres à cause des ennemis ; le pain était rare et cher, quoique l’on avait pris la précaution de faire venir quantité de farine de France, que l’on envoyait en barque de Québec à Montréal ; et pendant l’été le vent était si peu fréquent que les barques demeuraient un mois et six semaines en chemin, ce qui obligeait d’envoyer de gros convois au devant. »

Le colonel Pierre Schuyler, commandant à Albany, se plaça à la tête de quatre cents hommes, tant Anglais que sauvages et marcha sur Laprairie. Avant qu’il n’y fût arrivé, M. de Callières, gouverneur de Montréal, eut connaissance de ses mouvements et fit camper huit cents hommes en ce lieu, tandis qu’un détachement de trois cents autres Canadiens, soldats et sauvages, sous le capitaine de Valrennes, allaient barrer la route dans la direction de Chambly. Néanmoins, Schuyler passa inaperçu et, dans la nuit du 10 août, tomba sur le camp de Laprairie fort mal gardé, y tua dix-huit Français et Canadiens, puis battit en retraite en s’apercevant que ses forces étaient inférieures à celles qu’il attaquait. Voici les noms connus des morts de notre côté : Saint-Cirq et Dosta, capitaines, Domergue, lieutenant, Pierre Cabassier, sergent, Louis Ducharme, Nicolas Barbier, François Cibardin, Pinguet de Montigny et Jean Le Ber Duchesne[1] habitants. Après s’être reconnus, les Français envoyèrent M. de la Chassagne avec un gros détachement, à la poursuite de Schuyler, mais celui-ci échappa jusqu’au moment où il rencontra M. de Valrennes qui lui fit subir une défaite, lui tuant quatre-vingt dix hommes et le forçant à disparaître de la contrée. Les Français perdirent trente-sept hommes. La nouvelle de cet événement, dit M. de Catalogne, fut portée aux Trois-Rivières par des messagers qui trouvèrent M. de Frontenac et M. de Vaudreuil[2] aux Trois-Rivières, qui étaient au bal. La lettre lue, la consternation fut générale qui fit cesser toute réjouissance… Dès le lendemain, M. de Frontenac fit partir M. de Vaudreuil avec cent voyageurs qui devaient partir pour les Outaouais, qui rencontra en chemin les porteurs, des lettres de M. de Callières… qui dispensait M. de Vaudreuil de courir après l’ennemi ; ainsi il fit sa route pour le Montréal, où il arriva à la fin d’août, et les voyageurs se disposèrent à partir pour les Outaouais, auxquels on donna une escorte de cinquante soldats, commandée par M. de Louvigny qui allait commander à Michillimakinac. Une embuscade d’Iroquois était

  1. Il avait pris part à l’expédition de Schenectady.
  2. Au commencement de juin, il était à Repentigny.