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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

qui s’échappèrent et vingt-sept prisonniers. Ceux qui parvinrent à fuir furent presque tous gelés en route. L’autre expédition, composée de cinquante-deux Canadiens et Sauvages des Trois-Rivières, sous la direction de François Hertel, sieur de la Frenière, arriva, après une marche de deux mois, vers la fin de mars, devant Salmon-Falls, au bord de la mer, et la place fut emportée d’assaut. Comme à Schenectady, on réduisit les maisons en cendres. Les Canadiens opéraient leur retraite lorsque les Anglais les attaquèrent. Hertel se retourna sur un pont où ils s’étaient engagés, les chargea à l’arme blanche et en tua dix-huit. Le reste prit la fuite. Zacharie-François Hertel, sieur de la Frenière, fils de François ci-dessus, eut le genou brisé d’un coup de fusil. Deux autres enfants de Hertel l’accompagnaient, ainsi que deux de ses parents, dont l’un, fils de Jean Crevier, seigneur de Saint-François du Lac, reçut la mort en combattant. Un autre jeune homme, neveu de Hertel, fils de Nicolas Gatineau, était de l’expédition ; c’est lui qui porta à Québec la nouvelle du succès remporté. En troisième lieu, la bande commandée par M. de Portneuf, fils du baron de Bécancour, et le jeune Augustin Le Gardeur de Tilly de Courtemanche, formée de quarante Canadiens, et à laquelle se joignit en route Saint-Castin avec des troupes de l’Acadie et des Abénaquis, s’était dirigée de Québec (28 janvier 1690) vers Casco près de la mer. Le fort résista mais finit par succomber et on le rasa. Les Anglais comprirent que les meilleurs postes étaient menacés de destruction, tout comme le pays plat, et la terreur se répandit parmi eux de tous les côtés.

L’amiral Phipps, avec une frégate et deux corvettes, s’était porté au secours de Casco. Il arriva trop tard, mais le 20 mai, il se trouvait en vue de Port-Royal où commandait M. de Menneval, frère de M. de Portneuf, lequel fut obligé de se rendre faute de moyens de défense. Phipps attaqua et brûla ensuite Chédabouctou et alla ravager l’île Percée. En même temps, M. de Villebon, autre frère de M. de Portneuf, arrivait d’Europe sur un navire qui tomba au pouvoir des Anglais de Port-Royal, mais cet officier, resté libre, assembla les sauvages et reprit possession de l’Acadie ; bien plus, il captura le colonel Tyng, envoyé pour gouverner la province.

Quelques Abénaquis et Sokokis s’étaient arrêtés à Bécancour vers l’année 1680, invités probablement par la famille Robineau, qui possédait cette seigneurie. À la même époque, Jean Crevier, sieur de Saint-François, commençait le défrichement de sa seigneurie de Saint-François-du-Lac. En 1681, on comptait dans ce dernier lieu quinze habitants, parmi lesquels sept ménages, en tout trente-huit âmes. Depuis 1678, des Abénaquis y résidaient, et le missionnaire tenait un registre pour leur usage. Le fort du seigneur était sur une île de la rivière Saint-François. On y entretenait une forte garnison en 1690, selon un mémoire de M. de Catalogne. Le 22 septembre de cette année, les Iroquois surprirent le village et massacrèrent presque tous les habitants. M. Crevier, tué ou fait prisonnier, ne reparut plus. Une patrouille française qui se présenta pour secourir la place fut repoussée et ses officiers, Murat et de la Mothe, éprouvèrent le sort de Crevier. L’année suivante, les Iroquois reparurent et brûlèrent le fort et l’église.

Phipps avait conçu l’espoir de prendre Québec. Il parut devant la ville, le 16 octobre