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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Toutefois, les premiers coups de cette nouvelle guerre entre les deux couronnes furent portés en Amérique. Juchereau de la Ferté, à la tête d’un parti de Canadiens, enleva le fort Savern à la baie d’Hudson. Pierre Le Moyne d’Iberville, qui commandait un navire dans ces parages depuis l’automne précédent, captura deux vaisseaux anglais, et par un prodige d’audace autant que d’adresse, deux de ses hommes s’emparèrent d’un autre bâtiment avec sa cargaison. D’Iberville se dirigea vers Québec sur l’une de ses prises, laissant Paul Le Moyne de Maricourt, son frère, à la tête des postes conquis.

Deux vaisseaux, commandés par M. de la Caffinière et sur l’un desquels se trouvait M. de Frontenac, étaient partis de la Rochelle, escortant un convoi marchand. Ils arrivèrent en Acadie au milieu de septembre (1689). Après quelques jours de repos, le gouverneur continua sa route vers le Canada, en compagnie de M. de Callières, et ramenant trois des quarante Iroquois envoyés aux galères par M. de Denonville ; les autres étaient morts en France. Le premier soin du gouverneur fut d’ordonner l’érection d’une palissade de quinze pieds de hauteur autour de la ville de Québec.

M. de la Caffinière alla croiser devant New-York, enleva plusieurs navires, et après le 10 décembre, ne recevant point de nouvelles des troupes du Canada qui devaient aller surprendre les établissements anglais, il fit voile pour la France, selon ses instructions. Durant l’hiver, les Abénaquis se jetèrent sur le fort Pemaquid, situé au bord de la mer, à mi-chemin, entre Pentagoët et Portland, l’enlevèrent, commirent des massacres dans les environs, puis se portant sur tout le rivage du Maine, y détruisirent une douzaine de postes, accompagnant leurs exploits d’horreurs qui rappelaient la tragédie récente de Lachine. L’épouvante se répandit au cœur de la Nouvelle-Angleterre.

Le capitaine Clément du Vuault de Valrennes[1] commandant de Cataracoui avait fait sauter une partie des fortifications de ce poste, sur l’ordre de M. de Denonville ; il arriva à Montréal au mois de novembre (1689) avec les quarante-cinq hommes de sa garnison.

Frontenac qui savait ce que valait son nom dans l’ouest, avertit La Durantaye, commandant à Michillimakinac, qu’il attendait le secours des Outaouais et des Hurons pour entreprendre une guerre digne d’eux et de la France. En même temps, il entamait des négociations avec les tribus iroquoises les moins favorables aux Anglais.

Loin de trembler devant les préparatifs de l’Angleterre et de ses colonies, les Canadiens voulurent porter leurs armes au centre de la contrée qui les menaçait. Trois expéditions furent résolues. La première se dirigea sur New-York. Les deux cents Canadiens et Sauvages qui la composaient étaient sous les ordres de Nicolas d’Ailleboust de Mantet et de Jacques Le Moyne de Sainte-Hélène, d’Iberville servait sous son frère. Après vingt-deux jours de marche, le 8 février (1690) par une tempête de neige, ils enfoncèrent à coups de haches les portes des quatre-vingts maisons de Schenectady (à dix-sept milles d’Albany) et firent main basse sur les habitants[2], moins une soixantaine de vieillards, femmes et enfants

  1. Sur le capitaine et le lieutenant de Valrennes, voir la Revue Canadienne, 1873, pages 939-40.
  2. Smith dit qu’il en périt soixante.