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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

envoyer en France les chefs iroquois assemblés à Cataracoui, la plus grande injure qu’il put commettre envers ce peuple. Une levée de boucliers était dès lors imminente. Quatre bataillons de milices, de deux cents hommes chacun, sous les ordres de MM. de la Valtrie, Berthier, Grandville[1] et Le Moyne ; huit cent trente-deux hommes de troupes réglées ; quatre cents sauvages se trouvèrent réunis au camp de l’île Sainte-Hélène. Cette démonstration mit en danger les missionnaires jésuites des cantons iroquois ; le père Lamberville fut expulsé ; le père Milet échappa au feu par une sorte de miracle. L’armée[2], descendant à la rivière aux Sables, sur le lac Ontario, fut rejointe par le contingent des sauvages de l’ouest sous les ordres de Perrot, du Luth, Tonty et la Durantaye, comme nous l’allons expliquer. Les Tsonnontouans, tribu la plus compromise dans toute cette affaire, furent châtiés d’importance, mais M. Denonville n’alla pas plus loin et se contenta de construire un fort à Niagara où il mit une garnison de cent hommes que le scorbut décima l’hiver suivant ; le chevalier de Troyes y mourut, accusé par les soldats d’avoir, par sa dureté, été la cause de l’épidémie. En même temps les Iroquois paraissaient dans les campagnes aux environs de Chambly et sur divers points de la contrée.

Il faut dire un mot de ce qui s’était passé dans l’ouest. L’octroi de quelques commissions dans l’armée plaisait beaucoup aux Canadiens. Sur la demande de M. de Meulles, le roi ordonna que, chaque année, deux des fils des gentilshommes de ce pays seraient nommés aux troupes dites de la marine. En même temps, on réorganisait la milice. Déjà des hostilités avaient éclaté en Acadie. L’hiver de 1686-87 se passa en préparatifs de guerre. Le fort de Cataracoui fut ravitaillé et muni de soldats. Henry de Tonti, Daniel Greysolon Du Luth Nicolas Perrot, Olivier Morel de la Durantaye reçurent instruction de soulever les sauvages de l’ouest. Le Détroit, que le père Hennepin signale, en 1679, comme un beau et bon pays, était convoité par les Anglais. M. de Denonville, successeur de M. de la Barre, écrivait le 6 juin 1686, à Daniel Greysolon du Luth que c’était la clef des lacs, et enjoignait à cet officier de partir de Michillimakinac pour occuper la place avec cinquante coureurs de bois. Aussitôt l’ordre reçu, Du Luth descendit au Détroit, y planta une palissade et se prépara à faire bonne contenance contre les Hollandais d’Albany qui, l’année précédente, avaient porté des marchandises anglaises dans cette région. Des ordres furent donnés de mettre à mort tout Français qui serait pris appartenant aux bandes de traiteurs étrangers. À l’automne, le gouverneur-général se félicitait de ce que le fort « Saint-Joseph » du Détroit constituait un important moyen de défense. Du Luth était placé sous la direction de la Durantaye, nommé commissaire dans la région des lacs, avec son quartier-général à Michillimakinac. Le traité de Whitehall[3], intervenu en 1686, restreignait les limites de traite des Anglais, mais ceux-ci avançaient toujours et trafiquaient au lac Huron, au cœur du pays français. Une trentaine d’entre eux furent capturés dans ces parages et amenés à la Durantaye. En même temps,

  1. Pierre Cœur, ou Pierre Béquart, écuyer, sieur de Grandville.
  2. Le 19 juin, Jean Péré, amenant des captifs iroquois, rejoignit M. de Denonville, à la Pointe à Baudet. Le 1er juillet, il conduisait un parti contre les cantons. Le 14 septembre on le voit négocier officiellement avec les gens d’Albany.
  3. Voir Édits et Ordonnances, I, p. 257.