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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Suivant cet ordre d’idées, on rencontre un nombre infini de surnoms qui ressemblent à ceux de la noblesse. Ce sont parmi les simples habitants : Lefebvre dit Belle-Isle, Couillard de l’Espinay, Lemaître de Lottinville, Guyon du Buisson, Godefroy de Marbeuf, Douaire de Bondy, Fafard dit Longval, Volant de Saint-Claude, Jarry de la Haye, Janson de la Palme, et mille autres. « De » et « dit » avaient une valeur semblable, c’est-à-dire qu’ils indiquaient le sobriquet.

Quant aux Canadiens qui furent anoblis ou que la profession des armes nous fait connaître, tels que Le Moyne de Maricourt, Boucher de Niverville, Hertel de Cournoyer, Godefroy de Roquetaillade, Trottier de Beaubien, Sabrevois de Bleury, il y a lieu de croire qu’ils avaient emprunté ces noms à des localités ou à des familles de France dont ils tenaient à conserver le souvenir. Lorsque Pierre Le Moyne commença à servir dans la marine il y avait parmi les sous-secrétaires d’État un M. d’Iberville, qui peut-être protégea le jeune officier et lui laissa son nom, qu’il devait illustrer.

Jean Godefroy et Charles LeMoine reçurent leurs lettres de noblesse en 1668. Ils ne durent point les payer, car la correspondance échangée entre Talon et Godefroy se termine par le tableau de la pauvreté de ce brave colon chargé de famille. L’intendant emprunta à ses propres armes une épée posée en pal au-dessus d’un croissant et la plaça dans l’écu de Godefroy. Nous n’avons pas la date des lettres de noblesse accordées à Simon Denys, sieur de la Trinité, et à Charles Couillard, sieur des Islets ; toutefois, le 24 avril 1678, le roi écrivait au conseil supérieur de Québec lui enjoignant d’enregistrer les lettres en faveur de Jean Godefroy, Simon Denys, Charles Couillard et Charles Lemoyne qui, jusque-là n’avaient point été reconnues parcequ’elles étaient adressées au parlement de Paris et non à celui (le conseil de Québec était une sorte de parlement) de Québec. Ce ne fut que le 3 mai 1681 que celles de Godefroy furent insinuées en conséquence de cet arrêt royal.

En 1671, écrit M. l’abbé Faillon, « Le sieur Jean-Vincent-Philippe de Hautmesnil, étant repassé en France pour s’y marier, demanda la confirmation de la noblesse déjà accordée en 1654 à son père, Pierre-Philippe de Marigny. Il lui fut répondu que le roi confirmerait sa noblesse lorsqu’il serait repassé en Canada avec sa famille ; et en effet, par ses lettres patentes, ce prince exigea sa présence dans ce pays, comme condition rigoureuse de la continuation de cette grâce. »

La baronnie des Islets, (non pas la seigneurie de Louis Couillard, sieur des Islets) accordée à Talon en 1671 et changée en comté d’Orsainville quatre ans plus tard, (voir le présent ouvrage IV. 92.) paraît être la première seigneurie, après Pobomcoup, à laquelle fut attaché un titre de noblesse.

Le 5 décembre 1672 on enregistra au conseil de Québec la généalogie des sieurs Joibert, seigneur d’Aulnay et de Soulanges, originaires de la Champagne. L’année suivante, dans une assemblée solennelle, Frontenac réunit la noblesse au clergé et au tiers état, selon les anciennes coutumes françaises ; le roi désapprouva cette démarche, sur le principe qu’il ne fallait pas entendre tant de gens à la fois.