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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Pobomcoup, en Acadie, paraît avoir été érigé en baronnie, vers 1651, en faveur de Muis d’Entremont qui en porta le titre toute sa vie.

Le 9 avril 1656, la compagnie des Cent-Associés érigea, en faveur de Louis d’Ailleboust, la terre de Coulonge « en titre de châtellenie. »

Après sa courageuse défense des Trois-Rivières (1653) M. Pierre Boucher avait été nommé gouverneur de cette place, mais M. Jean de Lauson, retourné en France quatre années plus tard, voulait que l’on fît davantage pour un homme de si grand mérite, c’est pourquoi il s’adressa au marquis Izaac de Pas de Feuquières, vice-roi de l’Amérique, lequel obtint des lettres de noblesse et les envoya à M. Boucher en 1661. accompagnées d’une missive flatteuse. Louis XIV prenait en main, cette même année, la conduite des affaires du royaume ; ce fut son premier acte en faveur du Canada.

Dans son rapport au ministre (1667) Talon dit : « La noblesse du Canada n’est composée que de quatre anciens nobles, et de quatre autres chefs de familles que le roi a honoré de ses lettres l’année dernière. » Les quatre anciens devaient être Jacques Le Neuf de la Poterie, Charles Le Gardeur de Tilly, Jean-Baptiste Le Gardeur de Repentigny et Charles-Joseph d’Ailleboust des Musseaux. Nous pensons qu’il faut regarder comme appartenant aussi à la noblesse Louis-Théandre Chartier de Lotbinière et Louis Rouer de Villeray, sans compter Pierre Boucher. Talon continue : « Outre ce nombre, il peut y avoir encore quelques nobles entre les officiers qui se sont établis[1] dans le pays. Comme ce petit corps est trop peu considérable pour bien soutenir, ainsi qu’il est naturellement obligé, l’autorité du roi et ses intérêts en toutes choses, mon sentiment serait de l’augmenter de huit autres personnes les plus méritantes, et les mieux intentionnées, en laissant les noms en blanc, ainsi qu’il a été fait l’an passé. » Il soumet en même temps les noms de cinq colons : Jean Godefroy, Charles Le Moyne, Simon Denys, Mathieu Amyot et Louis Couillard. De son côté, M. de Tracy proposa Jean Bourdon, Jean Juchereau, Denis-Joseph Ruette d’Auteuil et Pierre Boucher.

Le nom de M. Boucher qui se présente ici comme celui d’un candidat au titre de noblesse fait supposer que ses lettres avaient été révoquées. Voici ce que nous en pensons. En dépit de plusieurs arrêts du roi, de faux nobles figuraient partout en France et « s’évertuaient à s’affranchir du payement de la taille. » Au mois de mars 1666 le conseil prescrivit la recherche des porteurs de lettres usurpées ; tout annoblissement postérieur à 1643 devint nul, quitte au roi à renouveler ceux qu’il jugerait à propos. Il est pénible d’avoir à ajouter que les nouvelles patentes s’achetaient à prix d’argent. Louis XIV, en besoin de fonds pour monter sa marine taxait la vanité humaine, comme il le déclare plaisamment. On alla plus loin. Nombre de personnes accolaient à leur nom le titre d’écuyer, sans y avoir droit. Un financier se présenta qui, moyennant une forte somme une fois versée, acheta le privilége de poursuivre en justice et de faire condamner à l’amende les porteurs de cet humble qualificatif, tombé alors dans le discrédit, autant qu’il l’est de nos jours en Canada, où tout le monde

  1. En 1667, ils commençaient à peine à s’établir.