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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

dans la direction de la baie du Nord, chose que le gouverneur jugea assez délicate pour ne pas l’autoriser avant que d’avoir l’avis du ministre. Au recensement de 1681, Chouart est mentionné aux Trois-Rivières et Radisson à Québec. Peu après, ce dernier obtint le privilége de partir pour l’Angleterre, par la voie de Boston, afin de rencontrer sa femme, et avec l’entente qu’il irait ensuite à Paris soumettre ses projets au ministre. L’erreur commise par la France en 1667 portait ses fruits : les Anglais étaient établis dans la grande baie et y jouissaient seuls des bénéfices de la traite. Les marchands de Québec tournaient leurs regards de ce côté. En 1682 ils formèrent une compagnie dite du Nord et confièrent à Radisson et à Chouart la conduite de deux navires, le Saint-Pierre et la Sainte-Anne, avec lesquels nos aventuriers allèrent droit au premier fort des Anglais, mais n’osèrent l’attaquer parce qu’il était en très bon état de défense. Le 26 août ils étaient à l’embouchure de la rivière Bourbon, où un navire français avait relâché en 1675, le même navire probablement sur lequel Chouart et Radisson s’étaient enfuis de la baie. Durant leur séjour en ces lieux, ils surprirent un poste anglais à la rivière Sainte-Thérèse, non loin de là, et firent douze prisonniers parmi lesquels Benjamin Gillam, de la Nouvelle-Angleterre, fils de Zacharie Gillam, capitaine du Quaiche en 1668. Au retour (1683) ils capturèrent un navire de Boston chargé de pelleteries et le gouverneur Bridger, mais rendus à Québec M. de la Barre libéra Gillam et rendit le vaisseau, ce que le roi de France désapprouva en des termes très vifs dans une lettre à ce gouverneur (10 avril 1684). Suivant M. de la Barre, les Français, dans ce voyage, avaient couru des dangers extrêmes ; il valait mieux, pensait-il, ouvrir des communications par voie de terre avec la baie. Les instructions du ministre à M. de la Barre portent en substance que l’ambassadeur anglais à Paris se plaint que le nommé Radisson et un autre Français étant allés avec deux barques appelées la Saint-Pierre et la Sainte-Anne dans la rivière et le port de Nelson, en 1682, y ont pris un fort et des propriétés dont les Anglais avaient été en possession depuis plusieurs années. Radisson et Desgrozelliers soutiennent que ces allégations ne sont pas vraies, mais que, ayant trouvé un endroit convenable pour leur commerce sur la rivière Nelson, à plus de cent cinquante lieues de l’établissement des Anglais dans la baie d’Hudson, ils en prirent possession au nom du roi dans le mois d’août 1682 et commencèrent à y élever un fort et des maisons. Le 14 septembre, ajoutent-ils, entendant le bruit du canon, ils allèrent à la découverte et, le 26, trouvèrent des maisons en construction sur une île et un navire à terre près la côte. Ces maisons avaient été érigées depuis qu’ils (Chouart et Radisson) étaient entrés dans la rivière et y avaient préparé leur établissement ; les Français soutiennent qu’ils sont les premiers occupants. Cette concurrence n’empêcha pas les Français de rester les maîtres de la contrée. Un navire anglais ayant naufragé, les hommes qui le montaient furent traités avec grande modération et bonté par les Français. D’après Charlevoix, « on chagrina Chouart et Radisson sur plusieurs articles, qui concernaient la traite… ce qui les obligea de repasser en France où ils espéraient qu’on leur rendrait justice. » Nous avons lieu de croire que Chouart ne suivit pas Radisson et que lui et son fils retournèrent à la baie pour le compte de la compagnie du Nord. Ce qui paraît