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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

son grand-père, et se nomme Charles-Joseph de Lozon, escuyer, seigneur de la côte de Lozon, grand sénéchal de la Nouvelle-France ; il donne tous ses biens à sa femme. En 1689, il était décédé. Ses propriétés de Beauport furent accordées à son neveu, Charles Juchereau de Saint-Denis. Comme il n’avait pas laissé d’enfant, sa veuve vendit (1690) ses neuf seigneuries du Canada à Thomas Bertrand, le tout pour la somme de quatre mille livres ! Charles, le second fils, devenu prêtre comme nous l’avons dit, fit un voyage en France (1666) en apprenant la mort de son père. On le revoit à Québec en 1668, d’où il s’embarqua de nouveau (1671) et alla demeurer à la Rochelle ; il y était encore en 1689, puisque, le 11 novembre de cette année, il donna à Charles Juchereau de Saint-Denis une terre située à Beauport. Sa fille Marie, qui l’avait suivi en France (1671), fut religieuse hospitalière à la Rochelle. Louis, troisième fils, noyé en 1659, n’avait pas laissé de descendance. François ne paraît pas être venu dans le pays ; son sort nous est inconnu.

L’argent monnayé était très rare en Canada. La somme totale apportée avant 1668 ne dépassait guère cent onze mille francs. Peu de commerçants risquaient de transporter ici des espèces, vu les dangers de la mer ; aussi M. Boucher écrivait-il (1663) que les pièces de quinze sous valaient vingt sous ; c’est ce qui arriverait de nos jours si les facilités de communication n’étaient aussi grandes qu’elles le sont. D’ailleurs, avant 1668, les cartes et les « bons » de la compagnie de traite remplissaient à peu près le même rôle que les billets de banque actuels. Tout le numéraire de la confédération ne doit point dépasser une somme proportionnée à celle qui circulait parmi nous avant 1668.

Quelques particuliers, voyant l’augmentation à laquelle l’on avait porté les menues monnaies, notamment les liards et les doubles, en avaient tiré de France une quantité, et, comme on prévoyait qu’il en viendrait davantage, le conseil décida, le 17 avril 1664, que les liards acceptés en ce moment au taux de six deniers, et les deniers à titre de doubles, passeraient : « les liards à trois deniers et les doubles à denier, et les petits deniers n’auront aucun cours. » Le 17 juillet, sans doute après l’arrivée des vaisseaux, les liards furent réduits à deux deniers. Le dictionnaire de Trévoux dit : « Un sol ou sou vaut douze deniers ; un liard vaut trois deniers ; un denier vaut la moitié d’un double, ou la douzième partie d’un sou. »

Le 18 octobre 1663, le conseil nomme en la sénéchaussée de l’île de Montréal, Louis Artus sieur de Sailly juge et procureur-général, Charles Le Moyne greffier et Benigne Basset notaire. À Montréal, comme ailleurs, la réorganisation du Canada causait des changements. Déjà, en 1659, la compagnie de la Nouvelle-France avait agrandi les concessions appartenant à la société qui occupait l’île. « Voulant de tout son pouvoir obliger ceux qui peuvent faire travailler au défrichement des terres de la Nouvelle-France, ayant connaissance du zèle et la piété des bonnes intentions et des grandes dépenses que fait la compagnie de Montréal pour l’augmentation de la colonie dans l’île de Montréal, sur la demande qui nous a été faite par monsieur de Fancamp au nom de la dite compagnie de lui donner, concéder et octroyer le reste de la dite île que notre compagnie s’était réservé, et de concéder