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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

prochaine des troupes réglées au dit pays, pour entreprendre cette guerre et mettre ses sujets de ces quartiers-là à couvert, une fois pour toutes, des violences et des inhumanités de ces peuples barbares ; c’est le sujet pour lequel il faudra que le dit sieur Gaudais examine avec grand soin et avec grande application le nombre d’hommes qu’il sera à propos d’y faire passer, les munitions de guerre et de bouche qu’il sera besoin d’avoir et les assistances que le pays pourra fournir de lui-même, à quoi à l’avance il sera bon de disposer, afin que quand les troupes de Sa Majesté arriveront sur les lieux, elles trouvent les choses prêtes pour agir avec vigueur et ne perdent point de tems dans l’attente des préparatifs nécessaires pour cette guerre.

« Étant constant que la difficulté du défrichement des terres et la facilité que les Iroquois ont de venir attaquer les habitations des Français, proviennent de la quantité de bois qui se trouve au dit pays, il serait bon d’examiner si l’on ne pourrait pas en brûler une bonne partie pendant l’hiver en mettant le feu du côté du vent, ce qui se rencontre bien souvent trop facile à faire dans les forêts du royaume ; et peut-être si ce moyen est praticable[1] comme il le paraît, il sera aisé en découvrant un grand pays d’en défricher les terres et d’empêcher les ravages et les surprises des Iroquois.

« Sa Majesté désire que le dit sieur Gaudais examine et voie l’état de toutes les dépenses auxquelles le pays est obligé, comme appointemens des gouverneurs, solde des officiers et soldats, subsistance de l’évêque, des prêtres et des jésuites, et autres dépenses communes, et de quels moyens le pays jouit pour y satisfaire.

« Il prendra connaissance de toutes les dettes du dit pays, de quelle qualité elles sont, quand, par qui, pour quelle cause et en vertu de quels titres elles ont été contractées.

« Et d’autant que le principal revenu dont la compagnie (les Cent-Associés) jouissait, consistait en l’achat et traite des pelleteries qu’elle avait seule et qu’elle a cédés par un traité particulier[2], à la réserve d’un millier de castors par chacun an, et que cette cession s’est trouvée fort dommageable au dit pays, en ce que les habitans ont appliqué la meilleure partie de leurs soins à ce trafic, au lieu de les appliquer entièrement, comme ils faisaient autrefois, au défrichement et culture des terres ; et même que l’achat des dites pelleteries étant libre à tous les habitans et ne se faisant que des mains des sauvages, ils les ont enchéries à l’envi les uns des autres, en sorte que tout l’avantage est passé aux sauvages et toute la perte aux Français, le roi veut que le dit sieur Gaudais s’informe particulièrement des moyens de retirer au profit de Sa Majesté la dite traite, en faisant connaître aux habitans que c’est leur bien, et qu’elle n’entend tirer aucune utilité du pays, et au contraire qu’elle veut y employer une somme considérable, tous les ans, pour le maintenir et l’entretenir, et pour le peupler.

« Le dit sieur Gaudais observera tout ce qui se peut et doit faire pour l’établissement des droits de souveraineté et de seigneurie directe et foncière dans toute l’étendue du dit

  1. Il n’a été que trop pratiqué jusqu’aujourd’hui, puisque la forêt a disparu du voisinage des anciennes paroisses, et qu’il en résulte des inconvénients sérieux.
  2. Années 1645-48.