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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Les Outaouais, belliqueux et commerçants, attiraient vers l’ouest les Français disposés à la traite ou aux découvertes. En 1657, ils eurent occasion de rencontrer les Iroquois et d’en tuer quelques-uns. Aussitôt, les Cinq-Nations envoyèrent vers leur lointain pays une expédition destinée à tirer vengeance de ce coup de fortune. La Relation de cette année nous dit : « Nos Iroquois (ceux chez qui était alors la mission des jésuites) ont découvert, au delà de la nation du Chat, d’autres nations nombreuses, qui parlent la langue algonquine. Il y a plus de trente bourgs qui n’ont jamais eu connaissance des Européens et qui ne se servent encore que de haches et de couteaux de pierre et des autres choses dont usaient les sauvages avant leur commerce avec les Français. Puisque les Iroquois leur vont porter le feu et la guerre, pourquoi n’irions-nous pas leur porter le feu et la paix que Jésus-Christ a apporté au monde ? Nous espérons les secours nécessaires pour ces entreprises, pour lesquelles nous serions heureux de pouvoir répandre notre sang jusqu’à la dernière goutte, et user notre vie jusqu’au dernier soupir. Nous avons lieu d’espérer que la France ne manquera pas de nous fournir les moyens d’exécuter ces desseins et de nous aider à accomplir de si glorieuses expéditions, puisqu’on doit attendre d’un royaume très-chrétien tout le zèle possible pour l’accroissement de la foi et de la chrétienté. »

Ainsi, le nord et l’ouest étaient sinon bien connus, du moins visités en partie et à la veille de tomber au pouvoir de notre commerce.

M. d’Avaugour avait recommandé la suppression des droits et privilèges des Cent-Associés. Cette compagnie ne comptait plus que quarante-cinq membres. Sa charte n’avait été entre ses mains qu’un instrument de commerce dont elle faisait usage uniquement dans ses intérêts, sans s’inquiéter de remplir les obligations relatives à l’établissement du pays, où elle devait transporter des colons stables qui auraient pu y fonder une nouvelle France. Elle était tenue non-seulement de défricher, mais de faire défricher par ses concessionnaires (seigneurs ou autres) ; en un mot, « peupler et habiter » la colonie par autant de monde que possible. Les plaintes qui ne cessaient d’être portées au pied du trône à ce sujet déterminèrent Louis XIV à rompre l’engagement que lui imposait la charte de 1627 et à assumer les pouvoirs nécessaires pour la gouverne et l’avancement de ce pays. Il retira donc aux Cent-Associés les privilèges dont ils avaient fait un si déplorable usage. Voici la déclaration et autres pièces qui nous font connaître cette démarche : « La compagnie de la Nouvelle-France étant bien avertie[1] que le roi avait volonté de se mettre en possession du pays et de la seigneurie de la Nouvelle-France, délibérant sur ce qu’il y avait à faire en une occasion si importante, après une convocation la plus nombreuse qu’il a été possible, a arrêté que, pour une preuve assurée de son profond respect et de l’entière déférence que la dite compagnie a aux volontés de Sa Majesté, par les directeurs et le secrétaire d’icelle, serait fait, et tant qu’à eux est, et que faire le peuvent, tant pour les associés présents que pour ceux qui

  1. M. Dumont, commissaire du roi, avait, le 1er novembre 1662, installé M. Pierre Boucher gouverneur des Trois-Rivières, ce qui montre que les Cent-Associés n’étaient plus regardés dès lors (disons depuis le printemps de 1662) comme exerçant leurs droits sur le Canada.