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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Parlant de la colonie qui se préparait à partir au printemps de 1656 pour les cantons iroquois, M. Faillon dit : « Malgré ces inquiétudes mortelles et nonobstant l’avenir si incertain d’un établissement entrepris par contrainte, au milieu d’un pays ennemi, M. de Lauson, accoutumé déjà à disposer largement des terres de la Nouvelle-France, pour créer des principautés imaginaires en faveur de ses amis, donna aux pères jésuites, le 12 avril 1656, un titre de concession par lequel il leur attribua, à perpétuité, en tout droit de propriété, justice et seigneurie, cent lieues de terre en superficie, au pays des Iroquois supérieurs (dix lieues de front sur dix de profondeur), soit à Onnontagué même ou auprès de ce bourg, soit en tout autre lieu que les concessionnaires jugeraient plus commode. On a de la peine à comprendre comment ce gouverneur, à qui les Iroquois faisaient alors la loi, ait osé, malgré sa faiblesse, disposer ainsi en souverain des terres de ces barbares, quoique adonnés eux-mêmes à la culture des champs : attribution qui, s’ils en eussent eu connaissance, aurait pu leur fournir un juste motif de déclarer de nouveau la guerre aux Français. Mais ils l’ignorèrent toujours, et ce titre ne profita à personne[1]. » Chez les Iroquois comme parmi nous, le premier soin des jésuites était de s’emparer du sol et de la richesse publique.

Pierre Boucher, sieur de Grosbois, gouverneur des Trois-Rivières, accorde (31 juillet 1656) à Jean Sauvaget, procureur fiscal de l’endroit, « une terre et concession à la Pointe du lac Saint-Pierre, du côté du nord, de la consistance de trois quarts de lieue de front sur deux lieues de profondeur dans les terres, pour en jouir par le dit Sauvaget et Étienne Seigneuret, son gendre[2]… en fief, par un seul hommage mouvant de Québec, à la charge du revenu (d’une année ?) des dites terres par chaque mutation de possesseur, avec tous droits ; feront les dits Sauvaget et Seigneuret habituer les dites terres en leur étendue et y travailler dans quatre ans[3] de ce jour. » Ce titre fut ratifié par M. de Lauson quelques jours plus tard.

Un fief de dix arpents de front sur vingt de profondeur est donné (5 août 1656) à Pierre Boucher, âgé de trois ans, fils de Pierre Boucher, gouverneur des Trois-Rivières, à prendre environ trois cents pas au-dessus de la troisième rivière, dans la banlieue des Trois-Rivières… « par un seul hommage relevant de Québec, à la charge du revenu d’une année des dits lieux à chaque mutation de possesseur, suivant la coutume du Vexin Français enclavée de la coutume de Paris. » Ce fief porte encore le nom de Boucherville, d’après l’enfant en faveur de qui il fut donné. La descendance du sieur de Boucherville figure honorablement dans notre histoire.

« La compagnie de la Nouvelle-France, désirant reconnaître les bons services qu’elle a reçus de M. Robineau, l’un des anciens directeurs de la dite compagnie, en la personne du sieur René Robineau, son fils, chevalier de l’ordre du roi, grand voyer[4] de la Nouvelle-France, l’un des associés, lui donne et concède (26 février 1657) un fief mouvant de Québec,

  1. Histoire de la colonie française, II, 251.
  2. Anne Dupuis, femme de Jean Seigneuret, ci-dessus, était l’aïeule de Madeleine Benassis, laquelle était mariée avec Étienne Seigneuret.
  3. Ceci est à remarquer.
  4. Première mention de cette charge au Canada.