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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

de mon dit seigneur le cardinal ; ce que je certifie être vrai. Fait à Paris le 12 décembre 1629. (Signé) Charles Daniel. »

Ochiltree se plaint amèrement de la barbarie des Français, dans la relation qu’il a écrite en réponse au rapport ci-dessus du capitaine Daniel.

Le convoi conduit par Dihourse et monté par un certain nombre de familles écossaises arriva à Port-Royal et s’établit, non pas au lieu où avait été Poutrincourt, mais à l’ouest de la rade, où est aujourd’hui Granville, presque vis-à-vis l’île aux Chèvres ; c’est là que fut construit, sous l’œil du fils de sir William Alexander, le Scotch Fort dont les ruines existaient encore au commencement de notre siècle. Les Français, demeurés sur la rivière de Port-Royal, se reportèrent dans le haut de la vallée ou dans les postes du littoral, pour s’écarter des nouveaux venus. Le nombre des Écossais s’élevait à un peu plus d’une centaine, y compris les femmes et les enfants. Au commencement de l’hiver (1629-30), il n’y restait plus, que soixante et dix âmes. Au printemps de 1630, une trentaine étaient morts de privations et de maladie, de sorte que leur nombre était réduit à une quarantaine.

En Angleterre, sir William Alexander eut l’art de circonvenir Claude de Latour et de le faire renoncer à son allégeance française. Le résultat du siège de la Rochelle exaspérait les huguenots ; ils quittaient la France en nombre et intriguaient à Londres contre Richelieu, ou plutôt contre leur patrie. Claude les voyait chaque jour. En outre, par les soins de sir William, sans doute, il épousa l’une des filles d’honneur de la reine d’Angleterre. Charles i le combla de faveur et le fit baronnet de la Nouvelle-Écosse (13 novembre 1629) sous le nom de sir Claude de Saint-Étienne, seigneur de La Tour. En même temps, une commission de sir William Alexander nommait Charles de Latour, seigneur « des pays, côtes et îles, à partir du cap et rivière Ingogan (près du cap Clouen) jusqu’au fort Latour, puis en continuant jusqu’au Mirliguestre et au-delà (près du port la Hêve) sur une profondeur de quinze lieues dans les terres, tirant vers le nord. » Il lui fut donné une autre commission par la compagnie dont sir William Alexander était le chef.

La liste (7 avril 1630) des « capitaines envoyés au Canada en six vaisseaux appartenant au roi de France qui devront être prêt à mettre à la voile dans six semaines, » porte les noms du « chevalier de Montigny, amiral de la flotte, chevalier de Saint-Clair (ou Monteclair), sieur de Nest de Fécamp, sieur de Lombards, capitaine (Charles) Daniel, capitaine Armand (Laurent Ferchaud ?)[1] » Nommé le 8 avril, Daniel prit la mer le 26 et se dirigea sur le fort Sainte-Anne[2], où il arriva le 24 juin et apprit que, le lendemain de la Pentecôte, le commandant Gaulde[3] avait tué d’un coup de fusil, par vengeance, son lieutenant Martel. Durant l’hiver, douze Français étaient morts du scorbut et plusieurs avaient été malades. Les pères Vimont et Vieuxpont repassèrent en France sur un vaisseau pêcheur. Daniel eut maille à partir avec les Basques, puis avec les sauvages. Vers l’automne il retourna en France, laissant le poste du fort Sainte-Anne à peu près réorganisé.

  1. Voyage du capitaine Charles Daniel, publié en 1881 par Julien Félix, de Rouen, à soixante exemplaires.
  2. Voir le présent ouvrage, tome II, 43.
  3. Champlain le nomme Claude et Gaude. Le nom de Gaulde était celui d’un Normand assez connu.