Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome IV, 1882.djvu/137

Cette page a été validée par deux contributeurs.
124
HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

de ses efforts, envisageait les choses au point de vue canadien d’abord, français ensuite. Rien de plus juste. Il n’hésita point à recommander l’établissement de manufactures, afin, disait-il avec courage, que les habitants cessent un jour d’acheter dans la mère-patrie des articles qu’ils pourraient se procurer chez eux. C’est le langage d’un homme d’État. Dans le même ordre d’idées, il voulait faire de Québec l’un des plus grands chantiers de navires du monde. Il avait raison. Quant à nos surplus en blé, céréales de toutes sortes, bois, goudron, huiles, etc., il indiquait les Antilles françaises comme marché ouvert. N’était-ce pas là un relèvement comparable à celui de la France de 1662 à 1672 ? Et si l’on songe que ces projets reçurent un commencement d’exécution ; que plusieurs aboutirent à un succès complet, on ne peut que regretter amèrement l’indifférence dont Louis XIV paya ensuite, durant quarante années du reste de son règne, les tentatives faites pour développer cette Nouvelle-France, cette autre force nationale comprise par Talon, calculée par Colbert — si noblement sentie et entretenue par les Canadiens. En 1672, il nous fallait dix ou quinze années de paix pour devenir les maîtres de l’Amérique, ou tout au moins tellement forts sur le Saint-Laurent que nous conquérir eut été impossible. Au lieu de cela, les guerres se rouvrirent en Europe et sur ce continent. Louis XIV perdit, de gaîté de cœur, l’occasion de donner le Canada aux Canadiens.



Séparateur