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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

L’attention du monarque se tourna vers la Nouvelle-France à propos du même sujet. Un édit, du 12 avril 1670, renferme ces dispositions : « Le roi étant en son conseil, s’étant fait représenter les lettres et relations venues l’année présente de la Nouvelle-France, autrement dit Canada, ensemble les états et mémoires contenant le nombre de Français que Sa Majesté y a fait passer depuis quatre ou cinq ans, des familles qui y sont établies, des terres qui y ont été défrichées et cultivées et tout ce qui concerne l’état du dit pays, et Sa Majesté avant reconnu l’augmentation considérable que cette colonie a reçue par les soins qu’elle en a bien voulu prendre ; en telle sorte qu’elle a lieu d’espérer, qu’en continuant ces mêmes soins, elle pourra être en état de se soutenir d’elle-même dans quelques années, et voulant que les habitants du dit pays soient participants des grâces que Sa Majesté a faites à ses peuples ; en considération de la multiplicité des enfants et pour les porter au mariage, Sa dite Majesté, étant en son conseil, a ordonné et ordonne qu’à l’avenir tous les habitants du dit pays qui auront jusqu’au nombre de dix enfants vivants, nés en légitime mariage, non prêtres, religieux ni religieuses, seront payés des deniers que Sa Majesté envoyera au dit pays, d’une pension de trois cents livres par chacun an, et ceux qui en auront douze, de quatre cents livres ; qu’à cet effet, ils seront tenus de représenter à l’intendant de justice, police et finances, qui sera établi au dit pays, le nombre de leurs enfants au mois de juin ou de juillet, chaque année, lequel, après en avoir fait la vérification, leur ordonnera le payement des dites pensions, moitié comptant et l’autre moitié en fin de chacune année. Veut de plus Sa dite Majesté qu’il soit payé par les ordres du dit intendant à tous les garçons qui se marieront à vingt ans et au-dessous, et aux filles à seize ans et au-dessous, vingt livres pour chacun le jour de leurs noces, ce qui sera appelé le présent du roi ; que par le conseil souverain établi à Québec pour le dit pays, il soit fait une division générale de tous les habitants par paroisses et bourgades, qu’il soit réglé quelques honneurs aux principaux habitants qui prendront soin des affaires de chacune bourgade et communauté, soit pour leur rang dans l’église soit ailleurs ; et que ceux des habitants qui auront plus grand nombre d’enfants soient toujours préférés aux autres, si quelque raison puissante ne l’empêche ; et qu’il soit établi quelque peine pécuniaire, applicable aux hôpitaux des lieux, contre les pères qui ne marieront point leurs enfants à l’âge de vingt ans pour les garçons et de seize ans pour les filles. »

Un ordre fut lancé, en 1670, par Talon, défendant à tout homme non marié de faire la pêche, la chasse ou de traiter avec les sauvages ou de fréquenter les bois sous aucun prétexte. Colbert, approuvant cette action, ajoute que ceux qui ne veulent pas se marier devraient être soumis à des charges additionnelles ; « on devrait les priver de tout honneur, même y ajouter quelque marque d’infamie. » En décembre 1670, François Lenoir, célibataire, habitant de Lachine, fut appelé devant le juge pour avoir trafiqué avec les sauvages dans sa maison ; il promit de se marier l’année suivante, dans les trois semaines après l’arrivée des navires de France ; à défaut de ce faire, il devait payer cent cinquante livres à l’église de Montréal et pareille somme à l’hôpital ; moyennant ces conditions, il put continuer son