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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

retour en France lorsque le 28 novembre, même année, le conseil de Québec porta défense à toutes personnes, de quelque condition qu’elle fût, d’empêcher les filles venues de France aux frais de Sa Majesté de se marier quand bon leur semblerait. L’objet de tant de précaution était le peuplement régulier et honnête de la Nouvelle-France.

Pendant le séjour de Mgr de Laval en France (1663), ce prélat avait expliqué à Louis XIV « que les gens des environs de la Rochelle et des îles circonvoisines, qui passaient à la Nouvelle-France, étaient peu laborieux, et même pas fort zélés pour la religion, et qu’ils donnaient de mauvais exemples aux anciens habitants du pays. » Il fut décidé (avril 1664) de lever trois cents hommes « en Normandie et dans les provinces circonvoisines, qui seront conduits sur des vaisseaux marchands, dont les capitaines sont obligés, par leurs traités, de rapporter des certificats du Conseil de Québec, touchant le nombre d’hommes qu’ils auront débarqués. »

Au moment où Talon partait pour le Canada (1665), Colbert lui donna les instructions suivantes : « Avant de partir, M. Talon devra voir les pères jésuites qui sont allés au Canada et deux membres du conseil de Québec qui sont à Paris en ce moment : M. Bourdon, procureur-général du conseil, et M. Louis Rouer de Villeray, conseiller, desquels il tirera tout ce qu’ils peuvent savoir du Canada. Il devra aussi lire les instructions qui ont été données à M. de Tracy et les différents arrêts rendus par le conseil souverain sur la concession et le défrichement des terres, etc., etc. Il faut qu’il sache que les Iroquois s’étant déclarés[1] les ennemis perpétuels et irréconciliables de la colonie, et ayant empêché, par leurs massacres et leurs cruautés, que le pays ne pût se peupler[2] et s’établir, et tenant tout en crainte et en échec, le roi a résolu de porter la guerre jusque dans leurs foyers pour les exterminer[3] entièrement, n’y ayant nulle sûreté en leur parole. À cet effet, il envoie le sieur de Tracy avec quatre compagnies d’infanterie[4], et le sieur de Callières avec mille bons hommes du régiment de Carignan ; et il y adjoindra trois à quatre cents soldats du pays qui savent la manière de combattre[5] de ces peuples sauvages. L’intention du roi est que l’intendant assiste aux conseils de guerre et qu’il soit informé de toutes les mesures qui s’y prendront, pour pouvoir subvenir à tous les besoins des troupes, et quand l’expédition sera finie, il devra encore songer à fournir les forts qui seront alors construits dans le pays ennemi, pour prévenir tout retour des sauvages. Étant à Québec, il devra s’informer de tout ce qui concerne l’administration de la justice, et de ce qui regarde l’état des familles, afin que s’il y avait quelque chose à redresser, il le fît même avant l’expédition chez les Iroquois, sans plus attendre. Il faut que l’intendant sache bien que la justice est établie pour le bonheur des peuples et l’accomplissement des intentions principales du roi, et qu’il veille à ce qu’elle

  1. La guerre des Iroquois avait commencé en 1636 contre les Français en mission dans le pays des Hurons. De là, elle gagna le bas Canada (les habitants) à mesure que les Hurons se sentirent écrasés.
  2. Les Cent-Associés nous refusaient des garnisons, c’est pourquoi les massacres étaient si nombreux.
  3. Malheureusement, il n’y eut pas d’extermination, Les campagnes tant vantées de 1666-7 effrayèrent seulement les Iroquois.
  4. Ces compagnies ne paraissent pas avoir appartenu au régiment de Carignan. Voir pp. 36, 46, 47 du présent volume.
  5. C’est précisément ce que ne comprirent pas les officiers français, pour le malheur de la colonie.