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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

dîme) et seront destinées et affectées pour toujours à la fondation et à l’entretien de ce séminaire et clergé. »

C’est en 1665 que Mgr de Laval unit son séminaire avec celui des missions étrangères de Paris, le mettant ainsi davantage sous le contrôle de la société de Jésus et ouvrant plus que jamais la porte aux pères et aux clercs de cette compagnie ; durant un siècle, ces derniers y ont été comme chez eux. Les récollets n’ont pu ou n’ont pas voulu en approcher. Quant au clergé national (canadien), il a été si peu nombreux jusqu’à la conquête, que sa place n’était nulle part.

Le nombre des pères jésuites venus au Canada de 1625 à 1665 est de soixante. Celui des prêtres séculiers et autres, vingt et un. Les récollets (1625-1629) avaient été au nombre de treize. En tout quatre-vingt-quatorze.

Le 29 septembre 1665, fut ordonné le premier prêtre canadien, M. Germain Morin. Durant les treize années qui suivirent, sept autres Canadiens reçurent les ordres. De 1678 à 1699, on en compte seize autres. À partir de cette date jusqu’à la conquête, cent cinquante-six.

De 1666 à 1678, il vint de France soixante et dix-huit prêtres ; de 1679 à 1758, quatre cents. Total : cent quatre-vingts Canadiens, et cinq cent soixante et douze Français. Une partie de ces derniers se consacraient aux missions sauvages.

Dans « le Mémoire du roi pour servir d’instruction au sieur Talon… » (27 mars 1665), on lit : « Le dit sieur Talon sera informé que ceux qui ont fait des relations les plus fidèles et les plus désintéressées »[1] du dit pays, ont toujours dit que les jésuites (dont la piété et le zèle ont beaucoup contribué à y attirer les peuples qui y sont à présent) y ont pris une autorité qui passe au-delà des bornes de leur véritable profession, qui ne doit regarder que les consciences. Pour s’y maintenir, ils ont été bien aises de nommer le sieur évêque de Pétrée pour y faire les fonctions épiscopales, comme ils ont dans leur entière dépendance[2], et même jusqu’ici où ils ont nommé les gouverneurs[3] pour le roi en ce pays-là, où ils se sont servis de tous moyens possibles pour faire révoquer ceux qui avaient été choisis pour cet emploi sans leur participation ; en sorte que, comme il est absolument nécessaire de tenir en une juste balance l’autorité temporelle qui réside en la personne du roi, et la spirituelle qui réside en la personne du dit évêque et des jésuites, de manière, toutefois, que celle-ci soit inférieure à l’autre, le sieur Talon devra bien observer… »

Le 13 novembre 1666, Talon écrivait à Colbert : « De quelque côté que doive venir le secours de l’Église pour la subsistance de ses ministres, je me sens obligé de vous le demander. Il est constant que Mr  l’évêque de Pétrée ne peut fournir de curés ou de missionnaires tous les endroits de ce pays qui en ont besoin, s’il n’est assisté ou par le roi ou par la compagnie (des Indes). Le fonds des dîmes, établi avec beaucoup de modération, ne peut

  1. À plusieurs reprises, nous avons parlé des plaintes des Canadiens.
  2. Ceci confirme l’aveu de Mgr de Laval lui-même.
  3. Osera-t-on nier cette affirmation signée de Louis XIV et de son ministre Lyonne ?