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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

premières difficultés étant passées, ils commencent à être à leur aise, et s’ils ont de la conduite, ils deviennent riches avec le temps, autant qu’on le peut être dans un pays nouveau comme est celui-ci. Au commencement, ils vivent de leurs grains, de leurs légumes et de leur chasse, qui est abondante[1] en hiver. Et pour le vêtement et les autres ustensiles de la maison, ils font des planches pour couvrir les maisons[2] et débitent des bois de charpente qu’ils vendent bien cher. Ayant ainsi les nécessités, ils commencent à faire trafic, et de la sorte ils avancent peu à peu. Cette petite économie a tellement touché ces messieurs les officiers, qu’ils ont obtenu des places (des concessions de terre) pour y faire travailler ; ainsi il est incroyable combien ce pays se découvre (se défriche) et se peuple partout. » En 1667, elle ajoutait : « Les forts qui ont été faits sur le chemin des Iroquois sont demeurés avec leurs garnisons ; l’on y défriche beaucoup, surtout au fort de Chambly et à celui de Sorel. Ces messieurs, qui sont fort honnêtes gens, sont pour établir des colonies françaises. Ils y vivent de ménage, y ayant des bœufs, des vaches, des volailles. Ils ont de beaux lacs fort poissonneux, tant en hiver qu’en été, et la chasse y est abondante en tout temps. Tous vivent en bons chrétiens. »

Talon écrivait à Colbert, le 27 octobre 1667 : « Conformément à votre idée, j’attacherai au château Saint-Louis la mouvance des trois villages que je veux établir dans ce voisinage pour renforcer ce poste central par un grand nombre de colons ; le roi ou la compagnie, comme plaira à Sa Majesté, restera le seigneur propriétaire, concédant seulement le domaine utile et les droits qui auront été stipulés dans les contrats aux soldats, aux familles récemment arrivées, et aux colons du pays qui auront épousé quelqu’une des jeunes filles que vous m’envoyez. J’ai fait préparer ces terrains aux frais du roi, et les concéderai, à charge par les occupants d’en préparer autant d’ici trois ans pour les nouvelles familles que l’on enverra de France, supposant que d’ici là ce pays sera en état de subvenir aux besoins de la plupart des familles qui y seront établies. Mon but principal est de peupler ainsi les environs de Québec d’un bon nombre d’habitants capables de contribuer à sa défense, sans que le roi ait besoin de les payer. Je tâcherai de pratiquer le même système dans tous les lieux où on formera des villes ou des villages, mêlant ensemble les soldats et les cultivateurs, de façon qu’ils puissent s’instruire les uns les autres dans la culture du sol, et s’aider dans tous les autres besoins de la vie. » Le 10 novembre, il disait : « Afin de concourir par les faits aussi bien que par les conseils à la colonisation du Canada, j’ai donné moi-même l’exemple en achetant une certaine étendue de terrain couverte de bois, sauf deux arpents que j’ai trouvé défrichés. Je me propose de l’étendre encore de manière à pouvoir y établir plusieurs hameaux ; il est situé dans le voisinage de Québec et pourra être utile à cette ville. On pourrait doter cet établissement d’un titre nobiliaire si Sa Majesté y consentait, et on pourrait même annexer à ce fief, avec les noms qui pourront y convenir, les trois villages que je

  1. Les paysans de France mangeaient l’herbe des champs.
  2. Les paysans de France vivaient dans des huttes de terre.