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Plus tard, de 1670 à 1700, d’autres membres de la noblesse, ou soi-disant tels, s’établirent parmi nous. Les écrivains étrangers s’attachent à faire voir que ce fut l’époque des privilèges, des abus, de l’écrasement du peuple par les grands ; mais ils ne disent pas que ces choses se passaient en France — jamais au Canada !

On a supposé qu’un grand nombre de gens qui s’établissaient ici « devaient appartenir à la noblesse » à cause de leur nom. Le « de » exerce toujours de l’empire sur les imaginations, et pourtant il n’a qu’une origine roturière : la noblesse ne s’en servait que le moins possible. Le tiers des familles de nos Habitants portent la fameuse particule ; pourquoi ? parce que l’on désignait autrefois les roturiers et le menu peuple par ce mot : un tel de tel endroit ; exemple : de Blois, de Lorme, de Vaux, comme aussi du Charme, du Breuil, du Rocher. Règle générale, le « de » provient d’une localité ou d’une terre. Condé, Vendôme, Bourbon, Montmorency, la haute noblesse n’a point porté le « de ». Il reste à établir : 1o la provenance véritablement « noble » d’une foule de noms canadiens — ce qui est un objet de simple curiosité ; et 2o les privilèges dont jouissaient ces nobles — ce qui nous manque absolument jusqu’aujourd’hui.

Que devient donc la noblesse d’origine canadienne dans ce calcul ? Nous répondons qu’elle avait le rang de la noblesse créée par la reine Victoria. Sir Louis-H. Lafontaine, sir Narcisse Belleau, sir Georges-Étienne Cartier, sir Hector Langevin ont reçu leurs titres en raison de services rendus au pays, et non pas pour être placés au-dessus du droit commun ; sir Antoine-Aimé Dorion, opposé en politique aux quatre hommes que nous venons de citer, n’en a pas moins pris place à leurs côtés dans les rangs des nouveaux nobles de ce pays. Même chose à l’égard des Anglais du Canada.

Le roi de France délivrait des lettres de noblesse aux Canadiens qui s’imposaient, par leurs talents, à la reconnaissance de notre peuple. Boucher, Godefroy, Lemoine, Hertel et d’autres Canadiens, anoblis durant le dix-septième siècle, ne jouissaient pas de plus de privilèges que ceux d’aujourd’hui : le mérite était reconnu par des titres, voilà tout.




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