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faux bruit : j’ai vu tous les vaisseaux ; pas un n’était chargé de cette marchandise. » Le père Le Clercq déclare de son côté qu’il tient ces faits pour véritables, ayant interrogé nombre de témoins parfaitement renseignés : « On a, dit-il, rendu une grande injustice au Canada, dont il semble qu’on commence (1691) à revenir, de croire (en France) que la colonie ne s’est formée que de personnes de néant, de débauchés, de libertins, de filles déshonorées, de gens repris de justice, ou tout au plus de sujets et de familles poussés dans ces nouveaux pays par une disgrâce et une décadence de fortune. J’avoue que ce serait flatter de dire que, durant l’époque que nous parcourons (1665-1691), aussi bien que dans la précédente (1608-1664), il se soit habitué en Canada des personnes de naissance, à l’exception de quelques-uns qui sont reconnus pour bons gentilshommes et à qui le pays sera éternellement redevable, comme messieurs de Tilly, de Repentigny, de la Poterie, Denys, d’Ailleboust, Robineau de Bécancourt et Chasteauneuf, mais aussi on doit reconnaître que les autres chefs de famille qui ont passé en Canada étaient en France de bons bourgeois de ville médiocrement accommodés, ou des artisans de différents métiers, des laboureurs peu aisés, ou des soldats, mais tous honnêtes gens de leurs personnes, ayant de la probité, de la droiture et de la religion, et, quand bien même la disgrâce de la fortune, à l’égard d’un petit nombre, aurait contribué à leur éloignement, ils ne laissaient pas d’être gens d’honneur dans leur état et dans leur condition. L’on sait même que quantité de chefs (de familles) sont passés en Canada à dessein de contribuer à la conversion des sauvages — témoin la compagnie des messieurs de Montréal, sous la direction du séminaire de Saint-Sulpice… Je vois que, du côté de France, on y a souvent fait passer des personnes suspectes, parmi quantité de gens d’honneur, mais on doit cette justice aux gouverneurs et aux missionnaires du pays de n’y avoir rien souffert d’impur, de libertin ou de mal réglé. L’on a examiné et choisi les habitants et renvoyé en France les marchandises de contrebande et les personnes vicieuses ou marquées, aussitôt qu’on les a connues, et s’il en est resté, de l’un et l’autre sexe, qui n’avaient pas été en France tout-à-fait exemptes de reproche, on a remarqué que le passage de la mer les avait purifiées ; qu’elles effaçaient glorieusement, par leur pénitence, les taches de leur première conduite — leur chute n’ayant servi qu’à les rendre plus sages et plus précautionnées, en sorte qu’elles sont devenues et ont été les exemples et les modèles de la colonie. » Charlevoix, puisant aux sources que nous avons consultées nous-même, formulait ainsi son opinion : « Toute l’île de Montréal ressemblait à une communauté religieuse. On avait eu dès le commencement une attention particulière à n’y recevoir que des habitants d’une régularité exemplaire ; ils étaient d’ailleurs les plus exposés de tous aux courses des Iroquois, et, ainsi que les Israélites au retour de la captivité de Babylone, ils s’étaient vus obligés, en bâtissant leurs maisons et en défrichant leurs terres, d’avoir presque toujours leurs outils d’une main et leurs armes de l’autre, pour se défendre d’un ennemi qui ne fait la guerre que par surprise ; ainsi les alarmes, qui les tenaient toujours dans la crainte, avaient beaucoup servi à conserver leur innocence et à rendre leur piété plus solide. » Le père Le Jeune disait en 1636 : « Les exactions, les tromperies, les vols, les rapts, les assassinats, les perfidies, les inimitiés, les malices noires ne