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gereuses que celles de France. Trente filles nous donnent plus de travail[1] dans le pensionnat que soixante ne font en France. Les externes nous en donnent beaucoup, mais nous ne veillons pas sur leurs mœurs comme si elles étaient en clôture. Elles sont dociles, elles ont l’esprit bon, elles sont fermes dans le bien, quand elles le connaissent : mais, comme plusieurs ne sont pensionnaires que peu de temps, il faut que les maîtresses s’appliquent fortement à leur éducation, et qu’elles leur apprennent, quelquefois dans un an, à lire, écrire, calculer, les prières, les mœurs chrétiennes, et tout ce que doit savoir une fille. Il y en a que les parents nous laissent jusqu’à ce qu’elles soient en âge d’être pourvues, soit pour le monde, soit pour la religion. Nous en avons huit, tant professes que novices, qui n’ont point voulu retourner au monde, et qui font très bien, ayant été élevées dans une grande innocence ; et nous en avons encore qui ne veulent point retourner chez leurs parents, se trouvant bien dans la maison de Dieu. Deux de celles-là sont petites-filles de M. de Lauson, bien connu en France, lesquelles n’attendent que le retour de M. de Lauson-Charny pour entrer au noviciat. L’on nous en donne pour les disposer à leur première communion ; pour cet effet elles sont deux ou trois mois dans le séminaire… Si les Relations ne disent rien de nous, ni des compagnies ou séminaires dont je viens de parler, c’est qu’elles font seulement mention du progrès de l’Évangile et de ce qui y a du rapport : et encore lorsqu’on en envoie les exemplaires d’ici, l’on en retranche en France beaucoup de choses. Madame la duchesse de Sennessay, qui me fait l’honneur de m’écrire tous les ans, me manda, l’année dernière, le déplaisir qu’elle avait eu de quelque chose qu’on avait retranché, et elle me dit quelque chose de semblable cette année. M. Cramoisy, qui imprime la Relation et qui aime fort les hospitalières d’ici, y inséra, de son propre mouvement, une lettre que la supérieure lui avait écrite, et cela fit bien du bruit en France.[2] »

N’oublions pas, à l’époque dont nous nous occupons, les services rendus par les hospitalières de Québec. Les marins, les immigrants, les employés de la traite et surtout les familles déjà établies autour de la capitale, ainsi que celles des Trois-Rivières, recouraient aux soins si dévoués et si intelligents des bonnes religieuses. Les difficultés de la navigation maritime occasionnaient alors grand nombre de maladies ; en débarquant des navires, bien des personnes étaient forcées de passer à l’hôpital. D’un autre côté, la guerre des Iroquois, qui faisait tant de victimes, amenait souvent des blessés à la maison des sœurs. Et puis, tout favorable que soit le climat de notre pays, il ne laissait point de causer des dérangements dans certaines santés, surtout parmi les nouveaux colons. C’était une œuvre des plus méritoires que celle des hospitalières ; aussi voit-on, par tous les témoignages qui nous sont parvenus, qu’elle était entourée du respect général.

Aux citations nombreuses que nous avons déjà mises devant le lecteur relativement à l’origine des Canadiens, ajoutons celles qui suivent. M. Pierre Boucher écrivait en 1663 : « Il est vrai que ce pays de la Nouvelle-France a quelque chose d’affreux à son abord ; car, à

  1. Le Canadien ne subit de règle qu’en autant qu’il le juge à propos.
  2. Nous dirons plus tard pourquoi les Relations furent supprimées.